Ajla Del Ponte a réalisé une performance majuscule pour s'emparer du titre européen du 60 m à Torun dimanche soir. La Tessinoise a explosé sa meilleure marque personnelle en égalant le record de Suisse de Mujinga Kambundji en 7''03. Seules quatre Européennes ont fait mieux dans l'histoire.
Du sang, du labeur, de la sueur et des larmes. Le résumé du dimanche parfait d'Ajla Del Ponte. A Torun, la Tessinoise a pris place dans l'histoire de l'athlétisme suisse. Comme Angelica Moser à la perche la veille, comme Lea Sprunger sur 400 m voici deux ans à Glasgow et comme Selina Rutz-Büchel en 2015 et en 2017 sur 800 m, la sprinteuse s'est parée d'or.
Et avec la manière puisqu'elle a laissé ses deux adversaires sur le podium à 19 centièmes, soit une éternité sur un 60 m. «La course parfaite? C'est bien possible, mais je n'ai pas encore pu l'analyser», a lancé la nouvelle championne d'Europe.
Au micro des télévisions ou sur le podium, la Tessinoise a laissé parler ses émotions. Le corps humain est composé à 60% d'eau, mais Ajla Del Ponte en a laissé quelques-uns en Pologne. «Oh oui il me reste des larmes, a rigolé la nouvelle championne d'Europe à l'heure de l'interview. Elles vont sûrement remonter plus tard. J'ai pleuré avec Lea (réd: Sprunger). Elle m'a tellement aidée et soutenue. J'étais tellement heureuse pour elle il y a deux ans et là c'est l'inverse.»
Le pacte du sang avec la piste
Mais avant les larmes, il y a eu le sang. Ce sang que l'athlète a laissé sur le tartan polonais lors de l'échauffement. «Je n'ai pas tout compris, explique-t-elle avec le sourire. J'ai voulu tester mon départ et je suis tombée.» Et plutôt que d'appréhender la chose de façon négative, «ADP» y a vu du mysticisme: «C'est comme si j'avais fait un pacte du sang avec la piste. Au début, j'ai eu peur. Ca m'a fait redescendre l'intensité, comme une piqûre de rappel. En fait, on s'est dit bonjour avec la piste.»
Pour qu'il y ait du sang et des larmes, il a bien sûr fallu passer par la case labeur. Ces entraînements avec Laurent Meuwly à Papendal aux Pays-Bas. De six par semaine, la Tessinoise est passée à neuf. Elle n'oublie pas non plus de citer Raphaël Monachon qui la suit en Suisse. «La combinaison parfaite», selon elle.
Il y a également ce travail effectué avec un coach mental qui lui apporte cette sérénité au moment de courir. «J'étais sereine, avoue-t-elle. Parce que j'ai couru 7''26 avec de la facilité en séries et que j'ai fait 7''19 en demi-finales pour gagner encore en confiance. Je pensais que je pouvais aller plus vite que mon record de 7''14 et j'ai réussi à le faire en finale.»
Le son comme lien avec les siens
Pour entrer dans sa bulle, la Tessinoise s'est constitué une playlist avec des chansons hétéroclites. «Celles que j'avais me convenaient moyen, a-t-elle soufflé. J'ai demandé à ma famille des chansons qu'ils aimaient et qui pourraient m'aider. Tout le monde y est allé de son titre, il y a du Michael Jackson, du AC/DC et du David Guetta. C'est d'ailleurs le dernier titre de Sia et David Guetta, Floating Through Space, qui m'a le plus portée. J'ai aussi demandé aux gens via ma newsletter et sur les réseaux sociaux. Dimanche matin, j'étais assez nerveuse. Puis j'ai mis la playlist et j'ai ressenti l'énergie des gens et un lien très fort. Je crois que je vais publier cette playlist sur les réseaux sociaux.»
Une fois la médaille d'or autour du cou, il y a eu la cérémonie traditionnelle sur le podium avec l'hymne national. Un moment très fort pour la Tessinoise: «J'aurais tellement voulu chanter. Je me disais qu'il y avait enfin une Tessinoise sur la boîte, mais j'ai chanté dans ma tête.»
Forcément, ce résultat sur 60 m en salle laisse entrevoir des perspectives radieuses sur 100 m lors de la saison estivale. Son record de 11''08 se trouvera en danger. Est-ce que ces 7''03 sur 60 m permettent d'imaginer une descente sous les 11 secondes? «C'est une bonne indication», a conclu la Tessinoise, qui va maintenant reprendre l'entraînement et travailler pour ses études universitaires.