La justice européenne a désavoué l'UEFA en estimant que ses règles de 2021 visant à empêcher la Super Ligue, dissidente de la Ligue des champions, étaient contraires au droit. L'émergence d'une compétition dissidente dans le football européen semble cependant encore très hypothétique.
Pour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les règles de la FIFA et de l'UEFA «soumettant à leur autorisation préalable la création de tout projet de nouvelle compétition (...) et interdisant aux clubs et aux joueurs de participer à celle-ci, sous peine de sanctions» sont «illégales». Mais son arrêt ne valide pas pour autant la légalité de la Super Ligue.
Cette compétition privée a été lancée à l'époque par douze grands clubs et s'est heurteé par ailleurs à la farouche opposition de nombreux fans du ballon rond. La décision de justice offre toutefois une nouvelle ouverture aux promoteurs d'une sécession, malgré l'adoption par l'UEFA de nouvelles règles en 2022.
Nouvelle mouture
L'organisation A22, créée après l'échec du premier projet de Super Ligue, a salué «la fin du monopole de l'UEFA» et immédiatement proposé une nouvelle mouture très différente de la première compétition. Elle ne comporte «aucun membre permanent» et est assortie d'un système de promotion-relégation et de solidarité financière.
Elle a évoqué «une nouvelle compétition européenne ouverte», avec 64 clubs répartis en trois ligues, promettant une diffusion gratuite sur une plateforme de streaming. Elle n'a cependant donné aucune précision ni sur le calendrier, ni sur le niveau d'approbation parmi les clubs européens.
Et pour cause: la puissante Association européenne des clubs (ECA) a, elle, renouvelé son soutien à l'UEFA. Elle a assuré que le football européen était «plus uni que jamais contre les tentatives de quelques individus» de relancer des projets de tournois dissidents.
«Cela ne change rien
L'Atlético Madrid et Manchester United, favorables au projet initial, ont cette fois-ci clairement soutenu l'UEFA face au projet dissident. «L'Allemagne, la France, l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne (à l'exception du Real Madrid et du FC Barcelone), etc... ne veulent pas de Super Ligue», a assuré dans un communiqué l'Atlético,
«J'espère qu'ils vont commencer leur fantastique compétition avec deux clubs», a ironisé le président de l'UEFA Aleksander Ceferin. Celui de la FIFA, Gianni Infantino, a relativisé la portée de la décision qui ne «change rien».
La CJUE, qui s'est prononcée sur les textes de la FIFA et de l'UEFA en vigueur au moment du lancement de cette procédure en 2021, estime en effet que les pouvoirs de ces deux instances n'étaient alors «encadrés par aucun critère assurant leur caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné».
Mais l'UEFA estime avoir corrigé cette «lacune» dans l'intervalle, avec un nouveau règlement bien plus détaillé adopté en juin 2022. «Cet arrêt ne signifie pas une approbation ou une validation de la soi-disant Super Ligue», a insisté l'organisation européenne. La CJUE précise d'ailleurs que le projet de Super Ligue «ne doit pas pour autant être nécessairement autorisé», soulignant qu'elle ne se prononce pas sur ce projet spécifique.
«Modèle égoïste et élitiste»
«Ce n'est pas un arrêt Super Ligue, c'est un arrêt règles de fonctionnement de l'UEFA», résume Emmanuel Durand, avocat français spécialiste du droit du sport au cabinet DWF. «Ce qui est critiqué ici, c'est que ces règles permettent à l'UEFA de s'opposer à l'entrée de tout concurrent sans justification», explique-t-il.
La ligue espagnole, LaLiga, a immédiatement rappelé sa vive opposition à tout projet dissident, dénonçant «un modèle égoïste et élitiste» sur X (ex-Twitter). L'association Football Supporters Europe estime que le projet «séparatiste (...) met en danger l'avenir du football européen», promettant que ses membres «continueront à se battre» pour l'empêcher.
Le choc d'avril 2021
En avril 2021, douze grands clubs avaient annoncé leur propre compétition privée, à l'énorme potentiel commercial, par une offensive lancée à minuit juste avant une vaste réforme de la Ligue des champions, frontalement concurrencée. Attaquées par surprise, UEFA et FIFA avaient menacé de sanctions.
La communication désastreuse des mutins puis la forte opposition des supporters, en particulier en Angleterre, avaient incité plusieurs pays à envisager des mesures législatives, poussant neuf des clubs rebelles à jeter l'éponge. L'aventure dissidente avait capoté en moins de 48 heures.
Deux ans plus tard, seuls le Real Madrid et le FC Barcelone n'ont pas désarmé. Le Barça a d'ailleurs salué la décision de la CJUE qui «ouvre la voie à une nouvelle compétition de football au plus haut niveau en Europe».
Florentino Pérez, le président du Real, a estimé que «le football européen des clubs ne sera plus un monopole». Les frondeurs sont défendus par le cabinet d'avocats Dupont-Hissel, à l'origine du célèbre arrêt Bosman ayant consacré, en 1995, la liberté de circulation des joueurs au sein de l'UE et fait sauter les «quotas de nationalité».