VoyageLe Brésil mise sur les bulles pour monter dans le marché du vin
Relaxnews
23.12.2019 - 14:18
Quatre employés font tourner à la main des centaines de bouteilles entreposées pour faciliter la fermentation: on se croirait dans une cave champenoise, mais la scène se déroule au sud du Brésil, un pays plus connu pour ses plages et sa caïpirinha.
«Dans notre région de la Serra Gaucha, nous avons les conditions climatiques idéales pour produire du mousseux de qualité», explique à l'AFP Carlos Abarzua, oenologue du vignoble de la Familia Geisse, à Pinto Bandeira, dans l'Etat du Rio Grande do Sul, proche de la frontière avec l'Argentine et l'Uruguay.
Quand il ouvre une bouteille d'Extra Brut, de fines bulles remontent à la surface une fois servies dans la coupe.
Nous sommes loin de la région champenoise, dans un pays plutôt connu pour sa cachaça – l'alcool de canne à sucre qui sert à faire la caïpirinha, célèbre cocktail à base de citron vert – mais aussi pour ses grandes brasseries industrielles de bière.
La production de vin au Brésil est bien moindre que celle de ses voisins argentin ou chilien, mais le sud du pays est une sorte d'oasis pour les vignes grâce à ses températures plus fraîches que dans le reste du pays.
Dans les années 1970, des multinationales comme Moët & Chandon ont été attirées par le terroir de la Serra Gaucha, région vallonnée aux collines humides et verdoyantes, où l'on trouve 90% de la production de vin du Brésil.
Depuis, la région a commencé à se spécialiser dans la production de mousseux et autres vins pétillants.
«L'Argentine est connue pour son Malbec, le Chili pour son Carmenere, l'Uruguay pour son Tannat. Le Brésil n'a pas de cépage emblématique, mais notre spécialité, c'est le mousseux», estime André de Gasperin, vice-président de l'Association brésilienne d'oenologie.
«La Serra Gaucha est une région plus fraîche, avec une bonne altitude, idéale pour les raisins blancs, qui ont une bonne acidité et une bonne maturation, comme en région champenoise», ajoute-t-il.
Méthode champenoise
Ces dernières années, les vins pétillants brésiliens, dont les principaux cépages sont le Chardonnay, Pinot Noir et Riesling italien, ont remporté des dizaines de médailles lors de concours internationaux.
Durant les Catad'or Wine Awards de 2018, le plus important d'Amérique latine, le Garibaldi Moscatel, de la coopérative Garibaldi, a été élu meilleur mousseux du cône sud.
Et les Brésiliens en raffolent: 66,2% des vins pétillants vendus dans le pays étaient produits localement et 33,8% importés, selon l'Union brésilienne de viticulture (Uvibra).
Pour les autres vins, c'est tout le contraire: seuls 11,8% sont brésiliens et 88,2% viennent de l'étranger, la moitié du Chili.
Enclavée dans une vallée recouverte de vignes, la Familia Geisse est la seule du Brésil qui produit des vins pétillants en suivant la méthode champenoise, avec une deuxième fermentation en bouteille.
La plupart des autres viticulteurs brésiliens utilisent la méthode Charmat, lorsque la deuxième fermentation a lieu dans des cuves d'acier inoxydable.
Avec quatre autres producteurs de Pinto Bandeira, la Familia Geisse espère obtenir prochainement une appellation d'origine contrôlée «exclusivement pour le vin mousseux».
Accord UE-Mercosur
Mais cette vitalité du mousseux brésilien pourrait être menacée par l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, qui pourrait permettre, s'il est ratifié, l'afflux sur le marché local de vins pétillants étrangers à moindre coût.
«Avec l'accord, les taxes vont baisser et beaucoup d'autres produits vont entrer en compétition avec notre marché national. Et nous savons que le secteur viticole est fortement subventionné en Europe», explique Carlos Abarzua, l'oenologue de la famille Geisse.
Pour Jorge Tonietto, spécialiste en vins de l'agence brésilienne de recherches agricoles Embrapa, l'accord UE-Mercosur peut représenter un véritable défi pour des viticulteurs brésiliens.
Coût de production élevés, fiscalité peu avantageuse et faible capacité de production: les obstacles ne manquent pas.
Mais Jorge Tonietto reste tout de même optimiste: «Si nous faisons de bons produits, nous allons y arriver. Le Brésil est un marché avec de bonnes perspectives de croissance», estime-t-il.
«Nous avons des consommateurs, nous n'avons pas besoin d'exporter notre vin. Cette proximité est avantageuse et nous pouvons miser sur l'oenotourisme», conclut le chercheur.
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