Santé «L’idée que les tiques sautent des arbres est complètement fausse»

AllTheContent

6.6.2020

Les tiques sont de retour.
Les tiques sont de retour.
Pixabay

Elles font peur, principalement parce qu’on les connaît mal. De plus en plus présentes dans nos forêts, les tiques sont responsables de la transmission de maladies qui peuvent se révéler graves, voire handicapantes. Et comme chaque printemps, puisque c’est leur saison préférée, elles reviennent sous le feu des projecteurs.

Comme le Grand Méchant Loup, elles vivent cachées dans nos forêts, dissimulées par les hautes herbes et les buissons. Comme le Grand Méchant Loup, elles traînent derrière elles une réputation plutôt… mauvaise. Et comme le Grand Méchant Loup, les tiques sont l’objet de toute une série de fantasmes plus ou moins en phase avec la réalité.

«Je pense effectivement que l’une des raisons qui font que, chaque printemps, le thème de la tique revient frontalement dans les médias est la peur qu’elles inspirent chez les gens, une peur tirée d’une certaine méconnaissance du sujet.» Prof d’anglais à l’école secondaire et de biologie au Lycée cantonal de Porrentruy, la Bruntrutaine Coralie Herrmann les connaît bien, ces tiques qui prennent un malin plaisir à effrayer la population. Docteure en biologie, elle les a étudiées dans le cadre de sa thèse, achevée en 2013 à l’Université de Neuchâtel, une faculté alors réputée dans le domaine.

Si elle a pris aujourd’hui un peu de distance avec ces fameuses ixodes ricinus, elle reste particulièrement calée sur le sujet. «C’est une problématique qui continue de m’intéresser, quand bien même je ne l’étudie plus au quotidien. En revanche, je donne toujours des conférences sur le sujet de manière occasionnelle, comme par exemple l’an dernier à la Société mycologique de Vendlincourt», note la scientifique.

La tique ne doit pas empêcher les balades en forêt

Mais revenons à nos petits parasites et à toutes les mauvaises intentions que le grand public leur prête régulièrement. La tique est-elle réellement dangereuse? Faut-il s’en éloigner à tout prix? Existe-t-il des moyens de la combattre? Pour Coralie Herrmann, l’important est surtout de «bien connaître l’ennemi, afin de pouvoir s’en protéger au mieux.» L’ennemi? «Il ne faut pas oublier que les tiques transmettent plusieurs maladies dont la borréliose de Lyme et la méningo-encéphalite à tiques. Il s’agit de maladies qui peuvent avoir des conséquences relativement graves, mais contre lesquelles il est aussi possible de se prémunir.»



Eviter les hautes herbes

La première précaution, lorsque l’on se balade en forêt au printemps – la saison de prédilection des tiques – est de prendre soin d’éviter les hautes herbes et les buissons humides et ombragés. «Si on reste sur les chemins, on prend moins de risque. Et l’idée que les tiques sautent des arbres est complètement fausse, précise Coralie Herrmann. Les tiques attendent patiemment leurs proies cachées dans les herbes puis s’y accrochent quand elles passent, c’est aussi simple que cela.»

Vêtements et inspection...

Deuxième précaution: porter des vêtements longs et clairs. Il sera alors d’autant plus difficile à la tique d’atteindre la peau.

Troisième précaution: bien observer sa peau, ou celle de ses enfants, au retour d’une promenade en forêt. «Une fois qu’elle a mordu, et à condition qu’elle soit porteuse de la maladie, soit dans environ 25% des cas, il faudra entre 15 et 18 heures à une tique pour transmettre la maladie de Lyme», note la biologiste. Avec un soupçon de vigilance et un brin d’attention, il est donc possible d’éviter le mal. Et pour la méningo-encéphalite à tiques? «La transmission se fait de manière plus immédiate mais seulement entre 1% et 2% des tiques sont susceptibles de contaminer l’être humain avec cette maladie. De plus, il existe aujourd’hui un vaccin contre la méningo-encéphalite», précise Coralie Herrmann.

Faut-il alors continuer d’avoir peur? Là encore, la réponse se fait tout en nuances. «La tique n’est pas un parasite anodin. Loin de là. De plus, ces dernières années et principalement en raison du réchauffement climatique, elle a tendance à coloniser de plus en plus nos régions. Mais je crois que si on fait attention, il n’y a pas réellement de raisons d’avoir peur. Cela ne doit en tout cas pas être un frein aux prochaines balades en forêt», conclut Coralie Herrmann.

Des bactéries transmises de la nymphe à l’adulte

Qu’il s’agisse de la borréliose de Lyme ou de la méningo-encéphalite, les maladies transmissibles à l’homme par la tique sont le fruit de découvertes scientifiques relativement récentes. «Avant la fin des années 1970 et le début des années 1980, on mettait sur le compte de la grippe ou des rhumatismes certains symptômes de ces maladies. Simplement parce qu’on ne les connaissait pas.»

Ancien enseignant de biologie au Collège Thurmann, recteur retraité de la HEP-BEJUNE et actuel député au Parlement jurassien, Jean-Pierre Faivre a lui aussi étudié ces petits parasites à l’Université de Neuchâtel, à une époque où tout, ou presque, était à découvrir. Alors jeune licencié en biologie, l’Ajoulot de Courtedoux démontre qu’une tique est capable de transmettre ses bactéries néfastes de la larve à la nymphe puis de la nymphe à l’adulte sans avoir besoin d’être réinfectée en cours de route, soit, pour faire simple, de la même manière qu’une maladie héréditaire.

«Jamais nous n’imaginions qu’une prolifération du parasite comme c’est le cas actuellement serait possible»

Jean-Pierre Faivre démontre aussi qu’une bactérie peut rester dormante dans le corps d’une tique lors d’une période de jeûne pour ensuite se réactiver lors d’une morsure. «On a prouvé que les bactéries se transmettaient par la tique via ses glandes salivaires et que, grâce à l’équilibre des pressions, dès que la tique commençait à prendre du sang sur une proie, elle était susceptible de la contaminer», note l’enseignant retraité.

À l’époque, ces découvertes marquent la communauté scientifique mais passent relativement inaperçues du côté du grand public. «Les tiques n’étaient pas sur le devant de la scène comme c’est le cas aujourd’hui. Et pour cause, seul le nord-est de la Suisse et une partie de la région des Trois-Lacs étaient concernés par la présence de tiques. Et, en toute franchise, jamais nous n’imaginions qu’une prolifération du parasite comme c’est le cas actuellement serait possible», poursuit Jean-Pierre Faivre. Aujourd’hui, les données de l’Office fédéral de la santé publique font en effet état d’une situation problématique dans pratiquement toute la Suisse, à l’exception d’une partie des cantons de Genève et du Tessin.

Un vaccin contre la méningo-encéphalite

On peut être pour ou contre, avec des arguments qui se défendent dans les deux cas, mais quel que soit son avis personnel sur la problématique, un vaccin existe désormais pour lutter contre la méningo-encéphalite à tiques. «Il faut bien préciser les choses: une morsure de tique expose une personne à deux maux principaux, soit la maladie de Lyme, appelée aussi borréliose, et la méningo-encéphalite à tiques.

En général, on part du principe qu’environ 25% des tiques peuvent transmettre la borréliose, une maladie dont on peut venir à bout avec des antibiotiques. Pour la méningo-encéphalite, la maladie contre laquelle le vaccin est efficace, la proportion de tiques potentiellement dangereuses descend à 1 ou 2%», explique la biologiste ajoulote Coralie Herrmann.

Accessible à tout le monde à partir de l’âge de 6 ans, le vaccin est aujourd’hui globalement conseillé par le corps médical. Il est même recommandé par l’Office fédéral de la santé publique, et ce principalement pour les personnes qui fréquentent régulièrement les forêts à risque, sachant qu’en Ajoie, aucun sous-bois n’échappe à cette étiquette. «Le comité de triage, qui est l’organe suprême pour nous, n’impose rien de ce côté-là, même si c’est conseillé de se faire vacciner. Chacun est libre de faire comme il veut», note le garde-forestier du triage Ajoie-Ouest Gilbert Goffinet, avant de conclure: «Pour l’instant, les tiques n’ont pas vraiment changé la manière dont on travaille. Certains en ramènent parfois plus que d’autres mais, pour l’instant, cela n’a pas d’impact sur notre quotidien professionnel.»

Une «tiquothèque» pour connaître l'insecte suceur de sang

Retour à la page d'accueil