Ukraine Les Russes avancent, Kiev accuse l'Otan de ne rien faire

ATS

25.5.2022 - 20:43

L'armée russe progresse à l'est de l'Ukraine où elle est aux portes de Severodonetsk. Kiev, qui admet que la situation est «extrêmement difficile» pour ses troupes après trois mois de guerre, a reproché à l'Otan de ne «strictement rien faire» contre l'invasion russe.

En blouse blanche, Vladimir Poutine a rencontré des soldats russes blessés en Ukraine pour la première fois depuis le début de la guerre il y a trois mois.
En blouse blanche, Vladimir Poutine a rencontré des soldats russes blessés en Ukraine pour la première fois depuis le début de la guerre il y a trois mois.
ATS

25.5.2022 - 20:43

L'Ukraine, qui ne cesse de réclamer que lui soient fournies plus rapidement par les Occidentaux les armes lourdes qui lui manquent pour faire face à la machine de guerre russe, a aussi appelé la communauté internationale réunie à Davos à «tuer les exportations russes».

Il faut que Moscou cesse de «gagner de l'argent et de l'investir dans une machine de guerre qui tue, viole et torture des Ukrainiens», a lancé le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba au Forum économique mondial, alors qu'un embargo européen sur le pétrole russe peine à se réaliser.

Au même moment, le président russe Vladimir Poutine était filmé, en blouse blanche, auprès de soldats blessés sur le front ukrainien. Ces hommes «qui risquent leur santé, leur vie pour la population et les enfants du Donbass (est de l'Ukraine, ndlr), pour le bien de la Russie, tous sont des héros», a-t-il assuré.

Dans le Donbass précisément, ce bassin industriel de l'est de l'Ukraine partiellement sous contrôle de séparatistes prorusses depuis 2014, et où Moscou a recentré son offensive après avoir échoué à prendre Kiev et à faire tomber le pouvoir du président Volodymr Zelensky, les Russes tentent coûte que coûte de resserrer leur étau sur la région de Lougansk.

Très difficile à Severodonetsk

Les forces russes ont atteint la périphérie de Severodonetsk, ville de 100'000 habitants où la situation est «très difficile», a annoncé mercredi le gouverneur de la région.

Les forces russes sont «si proches qu'elles peuvent tirer au mortier» sur Severodonetsk, a indiqué sur Telegram Serguiï Gaïdaï, ajoutant que la ville était «tout simplement en train d'être détruite».

Il a accusé l'armée russe de bombarder la ville à l'aide de lance-roquettes multiples, des armes imprécises et dévastatrices. Selon lui, les bombes visent également l'usine Azot où des civils sont réfugiés, dans une situation qui rappelle le siège de Marioupol, le grand port du sud-est pratiquement détruit par les bombes.

Un représentant non nommé des séparatistes prorusses, cité par Interfax, a affirmé que Severodonetsk était «encerclée» de trois côtés et que le seul pont permettant d'en sortir était désormais sous contrôle russe.

L'AFP n'a pas pu vérifier ces affirmations.

Le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianyk, a toutefois rejeté toute interprétation défaitiste.

«Dans certaines zones les forces russes ont des succès tactiques temporaires, ce n'est pas un secret. Mais dire que les troupes ukrainiennes reculent est une interprétation totalement fausse», a-t-il dit aux journalistes, évoquant des «manoeuvres de défense» dans une situation «très évolutive».

«Tôt ou tard, des contre-offensives auront lieu (...). Nous libèrerons notre terre des occupants russes», a-t-il promis.

«Montrez-moi un nazi»!

Le président ukrainien a réclamé pour cela le «soutien d'une Europe unie», déplorant le manque de cohésion des Occidentaux face à cette guerre qui vient d'entrer dans son quatrième mois, s'adressant mercredi matin en visioconférence au Forum de Davos.

C'est notamment pour défendre le Donbass, partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses, d'un prétendu «génocide» fomenté par des «nazis», que le président russe Vladimir Poutine a déclenché le 24 février l'invasion de l'Ukraine.

Dans un village près de Kharkiv, au nord du Donbass, récemment libéré des forces russes, et dont les journalistes amenés sur place par les militaires ukrainiens ont été priés de taire le nom, des habitants s'étonnaient encore des accusations russes.

«Montrez-moi un nazi dans le village! Nous avons une nation et nous sommes nationalistes mais nous ne sommes ni nazi ni fascistes», a dit une fermière de 57 ans, avant de retourner se mettre à l'abri alors que des obus recommençaient à tomber.

Dans le Donbass, les villes sur la ligne de front ont été vidées de leurs habitants, les récalcitrant, souvent âgés, passant la plupart de leur temps à se cacher dans des caves.

«Octroi forcé» de passeports russes

Sur le front méridional, Moscou s'affaire à consolider son emprise sur les territoires conquis depuis trois mois.

A Marioupol, le déminage et la «démilitarisation» du port sont terminés et il a commencé «à fonctionner de manière régulière», a déclaré le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov.

La Russie a par ailleurs annoncé qu'elle allait permettre aux habitants des régions de Zaporijjia et de Kherson de demander un passeport russe via «une procédure simplifiée».

L'Ukraine a aussitôt dénoncé une mesure démontrant la volonté de Moscou de mener une annexion pure et simple de ces territoires.

«L'octroi forcé de passeports aux Ukrainiens à Kherson et Zaporijjia est une nouvelle preuve de l'objectif criminel de la guerre de la Russie contre l'Ukraine», a déclaré dans un communiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères.

«Arrêtez de voler les céréales»!

Accentuant leur pression sur la Russie, les Etats-Unis ont annoncé mettre fin à une exemption permettant à Moscou de payer ses dettes en dollars. Cette décision pourrait précipiter la Russie dans le défaut de paiement. Moscou remboursera sa dette en roubles, a répliqué le ministère russe des Finances.

Le président du Conseil européen Charles Michel a de son côté déclaré qu'il restait «confiant» en un accord sur un embargo de l'UE sur le pétrole russe d'ici au début du Conseil européen lundi, malgré le blocage hongrois.

Face au forum de Davos, le ministre ukrainien des Affaires étrangères a demandé de parvenir par tous les moyens à étrangler la Russie.

«Il existe un autre moyen» de couper les revenus du pétrole, a-t-il dit. «Par exemple, la grande majorité du pétrole russe vendu sur le marché mondial est transportée par voie maritime», a-t-il expliqué, estimant que ceux qui continuent de le faire devaient être «confrontés à des problèmes».

La Commission européenne a par ailleurs présenté des propositions législatives pour faciliter une confiscation des avoirs d'oligarques russes sur liste noire, précisant que 10 milliards d'euros d'avoirs de personnalités sanctionnées avaient été gelés dans l'UE.

Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a appelé mercredi la Russie à «arrêter de voler» les céréales produites par l'Ukraine et à laisser ce pays les exporter, écartant toute levée des sanctions demandée par Moscou pour éviter une crise alimentaire mondiale.

«Arrêtez de voler les céréales!», a-t-il lancé à l'adresse de Moscou. «Nous voyons la Russie voler les céréales (ukrainiennes) pour sa propre consommation», a encore déclaré le ministre britannique.

L'Ukraine, gros exportateur de céréales, voit sa production bloquée du fait des combats, et celle de la Russie, autre puissance céréalière, ne peut être vendue en raison des sanctions touchant les secteurs financiers et logistiques.

Des milliers de civils et de militaires ont d'ores et déjà péri dans cette guerre, sans qu'il existe un bilan chiffré. Pour la seule ville de Marioupol, Kiev parle de 20'000 morts.

Plus de huit millions d'Ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur de leur pays, selon l'ONU. S'y ajoutent 6,5 millions qui ont fui à l'étranger, dont plus de la moitié – 3,4 millions – en Pologne.

ATS