Récoltes de fondsLa précarité menace, la solidarité tient bon
Valérie Passello
17.12.2020
Dans nos boîtes aux lettres, les associations, fondations et autres organisations caritatives font appel à notre générosité en ce mois de décembre. Mais cette année, le Covid s'est glissé dans l'équation. Les campagnes de récolte de fonds pâtiront-elle du virus? Pas si sûr...
Au début du mois, le Téléthon annonçait une récolte 2020 très mitigée, avec 954'000 francs de promesses de dons. Contre 1,9 millions en 2019, année déjà en-deçà des résultats habituels. En cause: l'annulation de la quasi-totalité des événements prévus sur le terrain.
En cette période précédant les fêtes de fin d'année, nombreuses sont les associations et fondations qui lancent leur campagne de récolte de fonds. Une opération cruciale pour beaucoup d'entre elles, les donateurs étant souvent plus généreux à l'approche de Noël.
Mais le coronavirus s'est invité dans nos vies et a modifié nos fonctionnements.Dès lors, il est légitime de se demander s'il va aussi asséner un coup de grâce à la légendaire solidarité helvétique.
L'animateur emblématique de la Chaîne du Bonheur Jean-Marc Richard reconnaît: "Je me suis aussi posé cette question. Mais notre sentiment général est que la solidarité continue à s'exercer."
Coeur à Coeur est en route
L'opération Coeur à Coeur de la RTS bat son plein jusqu'à vendredi en Suisse romande, récoltant des dons pour soutenir les enfants témoins ou victimes de violences.
"Je n'ai pas encore de chiffres, mais je vois tout de même arriver des sommes importantes. L'exercice ne me semble ni plus difficile ni plus facile que d'habitude. C'est sûrement lié à la thématique: le droit à l'enfance est hors-covid", ajoute Jean-Marc Richard.
Jusqu'ici enfermés dans un cube de verre où ils accueillaient des invités, les animateurs de Coeur à Coeur sillonnent cette année 60 localités dans toute la Suisse romande, allant à la rencontre du public.
Le chef de projet Jean-Luc Lehmann revient sur ce changement: "Dès que la situation est devenue tendue en mars, nous avons réfléchi à une manière de maintenir l'événement, avec une solution qui tienne la route quelle que soit l'évolution de la situation sanitaire. En allant à la rencontre des gens, on peut limiter le nombre de personnes, travailler avec de petits groupes."
«Le meilleur antidote au Covid, c'est la solidarité»
Distribution de masques, changements fréquents de micros, désinfection des mains, distance entre les intervenants: toutes les mesures de précaution sont en outre scrupuleusement respectées.
Et cette formule inédite répond si bien aux attentes qu'elle donne des idées à Jean-Luc Lehmann pour les prochaines années: "On est en direct toute la journée, c'est l'aventure et c'est addictif, car on ne sait jamais ce qu'il va se passer après. S'il y a d'autres éditions, je me battrai pour continuer sous cette forme, avec quelques améliorations."
Selon Jean-Marc Richard, le terrain est la clé: "D'autres associations vont certainement souffrir, à l'image du Téléthon, car elles seront contraintes d'annuler repas de soutien, lotos, et autres formes de présence sur le terrain. Mais la particularité des Suisses est qu'ils ne sont pas seulement généreux en cas de catastrophe, comme un tsunami, par exemple. Ils sont aussi sensibles à des problèmes endémiques, comme la violence envers les enfants ou la précarité, qui tend à augmenter en cette période de pandémie. Pour moi, le meilleur antidote au Covid, c'est la solidarité."
Un 50ème anniversaire bien triste
La Maison de Terre des Hommes, basée à Massongex en Valais, devait célébrer son 50ème anniversaire en 2020. Mais les différents événements planifiés à cette occasion sont tombés à l'eau à cause de la pandémie. Des annulations qui représentent une perte de plusieurs milliers de francs pour la Maison.
Pire, la pandémie a bloqué la mission de ce lieu de vie, qui accueille chaque année plus de 200 enfants gravement malades venus d'une quinzaine de pays, afin qu'ils se fassent soigner en Suisse, avant de retourner chez eux. La plupart du temps, ces enfants subissent de lourdes opérations, impossibles à réaliser dans leur pays.
Le directeur de la fondation Terre des Hommes Valais Philippe Gex déplore: "Pour une maison d'accueil, le meilleur moyen de célébrer notre anniversaire aurait au moins été d'accueillir un maximum d'enfants. Nous étions bien partis au début d'année, mais tout a été bloqué le 19 mars." Jusqu'ici, la maison a pu recevoir et soigner une soixantaine d'enfants en 2020.
Continuer malgré tout
"Au printemps, il n'y avait plus d'avions. Nous ne pouvions donc pas faire venir d'enfants, ni d'ailleurs renvoyer ceux qui étaient chez nous et qui auraient pu rentrer. Ensuite ça a coincé dans les ambassades, puis dans les hôpitaux, qui étaient saturés. Nous n'avions aucune maîtrise de ces éléments", raconte Philippe Gex.
Malgré ces difficultés, le directeur souligne le grand soutien manifesté par des fondations, des entreprises, des privés ou des bénévoles. "J'ai été très touché par tous les messages reçus. La solidarité fonctionne toujours, autant en argent qu'en proximité", témoigne-t-il.
Au niveau financier, la période des fêtes est très importante pour la Maison de Terre des Hommes, comme pour beaucoup d'autres. Le budget annuel de 3,3 millions, qui n'est couvert par aucune subvention, sera reconduit l'an prochain, malgré l'incertitude.
"Nous sommes conscients que la précarité se renforce chez nous. Mais c'est aussi le cas dans le reste du monde. Nous devons continuer à nous battre pour la dignité humaine", affirme Philippe Gex.
Baisse au printemps, puis retour à l'équilibre
Chaque année, l’Aide suisse à la montagne (ASM) soutient 500 à 600 projets générant de la valeur ajoutée et des emplois dans les régions de montagne. L’action de cette fondation est exclusivement financée par des dons.
Responsable de la communication et de la récolte de fonds de l’ASM, Ivo Torelli relate: « Au printemps, nous avons constaté une baisse des donations à hauteur d’environ 10%. Hasard du calendrier, notre lettre d’appel aux dons était partie à la mi-février et le premier confinement, à la mi-mars, a provoqué beaucoup d’incertitude. C’est à ce moment-là que nous avons remarqué la baisse.»
Durant l’été, la fondation a continué à soutenir des projets comme elle le fait d’habitude. Mais elle est aussi venue en aide à de petites entreprises montagnardes qui avaient investi des fonds propres avant la crise et qui voyaient leur chiffre d’affaires péricliter à cause du coronavirus.
« Nous avons recontacté les porteurs de projet que nous avions soutenus ces deux dernières années avons aidé une centaine d’entre eux, se trouvant en difficulté », poursuit Ivo Torelli.
Depuis l’automne, par contre, les donations à l’ASM sont à nouveau en augmentation. Le responsable communication analyse : «La montagne est un thème auquel les gens sont sensibles. Les donateurs sont fidèles, car notre action se fait à long terme. Nous pensons arriver à la fin de l’année au même résultat que l’an dernier.
En 2019, la fondation a consacré 35,3 millions de francs à la mise en œuvre de projets.