Hausse des cas de Covid-19 «C’est comme lorsque le voyant "Veuillez attacher votre ceinture" s’éteint»

De Gil Bieler

4.8.2020

Quand le soleil brille, comme ici à Lausanne, les règles de distanciation sociale sont vite oubliées.
Quand le soleil brille, comme ici à Lausanne, les règles de distanciation sociale sont vite oubliées.
Keystone/Laurent Gillieron

La recrudescence des cas de Covid-19 donne matière à réflexion aux experts: beaucoup ne sont pas conscients de leur responsabilité envers la société, affirme l’épidémiologiste Marcel Tanner. Mais la communication des autorités pourrait également être améliorée, selon la professeure Suzanne Suggs.

Pascal Strupler a adopté un langage clair devant les médias: «La situation s’aggrave. Elle est sérieuse», a commenté jeudi le directeur de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) au sujet de l’évolution récente de la crise du coronavirus.

Avant cette déclaration, les derniers chiffres de l’OFSP annonçaient déjà un niveau d’urgence similaire: 220 nouveaux cas en un jour, soit autant qu’en avril dernier. Et dans le canton de Fribourg, la semaine passée, 240 personnes ont été placées en quarantaine parce qu’une personne infectée s’est rendue dans trois endroits.

«L’augmentation du nombre de cas est préoccupante», affirme Marcel Tanner lors d’un entretien téléphonique accordé à «Bluewin». Cet épidémiologiste est membre du groupe de travail scientifique chargé de conseiller la Confédération face à la crise du coronavirus. Le passé nous a montré que le nombre de cas pouvait être maintenu à quelques dizaines si les mesures de base – hygiène, distanciation et port du masque là où une certaine distance ne peut être maintenue – étaient systématiquement respectées, a-t-il indiqué.

Suzanne Suggs, professeure de marketing social à l’université de Lugano, s’inquiète également de l’évolution du nombre de cas. «Cela montre que les gens ne sont pas suffisamment conscients de l’importance des mesures d’hygiène et de protection.» Spécialiste de la communication en matière de santé publique, Suzanne Suggs est également membre de la Task Force scientifique.

«C’est comme le moment où le voyant "Veuillez attacher votre ceinture" s’éteint»

Interrogée par «Bluewin», elle ajoute: «La situation actuelle me rappelle ce moment dans un avion où le voyant "Veuillez attacher votre ceinture" s’éteint après le décollage et où l’on peut à nouveau déambuler.» Comme les consignes et la réglementation ont été assouplies après le confinement, l’impression que tout était à nouveau sûr a également été automatiquement véhiculée, explique-t-elle. Cependant, concède-t-elle, le virus n’a pas disparu. «Et seule notre discipline nous a permis de retrouver certaines libertés.»

Marcel Tanner salue le fait que la Confédération recommande désormais aux Cantons de rendre le port du masque obligatoire dans les commerces. Même s’il est selon lui regrettable que cela doive être décrété «d’en haut»: «Il serait préférable que les gens s’en tiennent eux-mêmes aux règles.» Cependant, certains n’y seraient plus disposés: «Beaucoup en ont assez de la crise et veulent profiter de l’été et se détendre. Ils oublient que nous sommes tous dans le même bateau.»

Un concept de responsabilité individuelle mal compris

L’expert relie également cela au principe de responsabilité individuelle, qui est souvent mal interprété: «On est responsable non seulement de soi-même, mais aussi de la communauté», soutient Marcel Tanner.

Selon l’épidémiologiste, cette attitude peut notamment s’expliquer par le fait qu’une infection ne présente pas le même niveau de danger pour chaque groupe de population. Par ailleurs, «le COVID-19 est certes plus dangereux qu’une grippe, mais n’est peut-être pas "assez dangereux" pour que l’on suive systématiquement les recommandations et les mesures», estime Marcel Tanner, qui dresse une comparaison avec Ebola, un virus pour lequel 50% à 60% des infections sont mortelles. «Ici, la volonté de changer son comportement individuel est bien sûr beaucoup plus grande.»

Dans la situation actuelle, il est important de détecter promptement les foyers de contamination et de prendre rapidement des mesures, estime Marcel Tanner. «La meilleure façon de prévenir de nouveaux cas est de gagner du temps.» En outre, les autorités fédérales et cantonales, ainsi que tous les acteurs concernés, doivent selon lui adapter en permanence leur communication pour tenir la population informée, par le biais d’une approche à la fois ciblée et en temps voulu. A titre d’exemple, Marcel Tanner cite l’opération d’information à l’attention des voyageurs initiée à l’occasion de la saison touristique.



La recrudescence du nombre de cas montre qu’il est encore possible d’améliorer la communication, affirme Suzanne Suggs. «Il ne s’agit pas seulement d’informer – mais aussi de convaincre. Les gens doivent prendre conscience de ce qu’il y a à gagner s’ils suivent les recommandations.» Selon elle, cet aspect pourrait être davantage mis en avant dans la communication des autorités.

Suzanne Suggs estime par ailleurs que davantage d’acteurs devraient diffuser les messages de la Confédération: «Bien que les autorités suisses jouissent d’une grande confiance, elles sont très éloignées du quotidien des citoyens.» C’est pourquoi davantage d’autres acteurs devraient être impliqués, explique-t-elle: elle pense par exemple aux sportifs ou aux chefs d’entreprise, mais aussi à des campagnes impliquant des citoyens ordinaires.

Jeudi, l’OFSP a lancé une nouvelle campagne d’affichage sur la crise du coronavirus. Même si aucune célébrité n’y figure, elle rappelle aux vacanciers et aux personnes de retour d’un voyage que les règles d’hygiène et de distanciation s’appliquent toujours. En effet, «le coronavirus est encore là».

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