Sciences & Technique Apollo 11, un spectacle médiatique unique en son genre

AFP

14.6.2019 - 11:51

Neil Armstrong crève l'écran: il y a 50 ans, la conquête de la Lune fut un événement télévisuel hors normes, suivi en direct par plus de 500 millions de Terriens grâce à un dispositif exceptionnel déployé par la NASA et les chaînes de télévision.

Découpée en épisodes comme un feuilleton, la mission lunaire est racontée pendant huit jours par les télévisions du monde entier, avec 3.500 journalistes accrédités à Houston et 36 chaînes de télé, sans oublier l'apothéose, un direct de 31 heures aux Etats-Unis pour vivre les premiers pas sur la Lune.

Jamais la transmission de données par satellite n'a été aussi performante et les images sont retransmises en mondovision (dans le monde entier, à l'exception de la Chine et du bloc soviétique).

Ce n'est pas le premier événement retransmis en direct dans plusieurs pays -le couronnement de la reine Elizabeth II en 1953 a inauguré cette technologie- mais il bat le record d'audience de l'époque avec 500 millions de téléspectateurs, selon ABC.

«Ce chiffre paraît en-deçà de la vérité si l'on s'en tient aux innombrables échos qui nous parviennent du monde entier», estimait l'AFP dans une longue dépêche publiée le 21 juillet 1969, qui racontait les «nuits blanches» en Suisse, les «pics de consommation électriques» à La Haye, l'«excellente» retransmission en Pologne, ou l'interruption de la promenade rituelle de l'empereur Hirohito et de l'impératrice du Japon pour l'occasion.

En prenant en compte ceux qui ont regardé l'événement à plusieurs ou dans des lieux publics, l'audience est estimée à 700 millions de spectateurs, soit 20% de la population mondiale à l'époque.

Il faut dire que les sommes investies par les réseaux TV et radio américains pour l'événement avoisinent les 13 millions de dollars de l'époque, l'équivalent du coût de la nuit électorale de 1968, selon Variety.

«En tant que réalisateur, je devais rendre le programme passionnant, il fallait que ça ressemble à un film. On a investi plus d'1 million dans la production, pour une émission d'actualité en 69 c'était astronomique !«, souligne Joel Banow, réalisateur sur CBS News, dans la série documentaire de Robert Stone «La conquête de la Lune: toute l'histoire», qui sera diffusée sur la chaîne franco-allemande Arte mi-juillet.

- Asimov et Welles -

«Je me suis rappelé les films de science-fiction de mon enfance, c'est ce qui m'a inspiré certaines idées», se souvient-il.

De fait, sur les plateaux, pour meubler les 31 heures de direct, les chaînes rivalisent d'imagination : utilisation de maquettes, invitation d'auteurs de science-fiction comme Arthur C. Clarke («2001: l'Odyssée de l'espace») et Isaac Asimov («Fondation») ou encore du cinéaste Orson Welles.

Le décollage est couvert par pas moins de 340 caméras tandis qu'à bord une caméra couleur capable d'émettre en direct, des appareils photo et un enregistreur audio gravent chaque seconde de la mission.

Le module lunaire est, lui, équipé d'une caméra noir et blanc, fixée dans une trappe accessible à l'extérieur et mise en route par Armstrong à sa descente sur la Lune, ainsi que d'une caméra 16 mm argentique dont les images ont été utilisées en différé.

Ces images de qualité médiocre tiennent le monde en haleine.

«Il y avait un côté fantomatique, on voyait à travers les astronautes afin de réduire le signal de diffusion», décrit Theo Kamecke, réalisateur de la Nasa, dans le même documentaire.

«Apollo 11 est l'une des missions où les images sont les moins bien filmées, car les astronautes n'ont pas eu la même formation audiovisuelle que les autres face à la précipitation causée par les progrès russes», souligne Charles Antoine de Rouvre, auteur d'un passionnant documentaire «Apollo 11 – Retour vers la lune» bientôt sur France 2.

Comme beaucoup de ses confrères, il a pu puiser dans les images et enregistrements audio inédits de la mission rendus publics ces derniers mois par la Nasa.

«J'ai toujours eu envie de revivre l'ambiance de cette soirée, l'émotion intense que les gens avaient ressentie à ce moment-là, quand tout s'est arrêté», confie le réalisateur. Ce show planétaire marque aussi le moment où la télévision devient un média de masse, avec les débuts de la couleur, rappelle-t-il.

Au-delà de la démonstration de force technologique faite par les Américains en cette période de guerre froide, si tant de moyens ont été mobilisés pour montrer l'événement, c'est que «tout le monde a perçu l'importance du moment, la dimension symbolique de la mission», selon lui.

Et surtout, la communication est nécessaire pour gagner l'adhésion du public aux programmes spatiaux: «on a réussi à le refaire récemment avec Thomas Pesquet, chaque pays d'Europe a eu son Pesquet. On s'est rendu compte que les gens adhéraient à l'espace à partir du moment où on savait communiquer avec eux».

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