Natanz Un site nucléaire iranien visé par des services secrets?

dpa/phi

8.7.2020

Que s’est-il passé sur le site nucléaire de Natanz? Au départ, il était question d’un incendie sans conséquences majeures. Désormais, il est clair que les dégâts sont considérables. Qu’y a-t-il derrière cela? Les spéculations vont bon train.

L’incident inexpliqué survenu dans une installation de production de centrifugeuses sur le site nucléaire iranien de Natanz s’est avéré plus grave que ce qui a été initialement rapporté.

L’Organisation de l’énergie atomique d’Iran (OEAI) a évoqué dimanche des «dommages importants» causés par un incendie. Des appareils ont été endommagés ou détruits, a déclaré le porte-parole de l’OEAI Behrouz Kamalvandi, sans donner de détails sur la cause de l’incendie. Le bâtiment ne renfermait pas de matériel nucléaire, a-t-il précisé.

L’Iran enrichit de l’uranium sur ce site nucléaire du centre du pays, où des centrifugeuses destinées à la production d’uranium sont également construites et testées. Selon Behrouz Kamalvandi, l’incident ralentira la production et les tests des nouvelles centrifugeuses à moyen terme.

Néanmoins, a-t-il ajouté, l’Iran entend construire très bientôt un atelier plus grand avec des appareils plus modernes et de meilleure qualité. L’Iran travaille depuis plus d’un an à la mise au point de centrifugeuses plus rapides destinées à la production d’uranium enrichi.

Explosion à Natanz: qui a saboté le site nucléaire?
Explosion à Natanz: qui a saboté le site nucléaire?
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Israël considère le programme nucléaire iranien comme une menace existentielle, tandis que les Etats-Unis et l’Arabie saoudite le jugent également dangereux. Il a donc été question d’une nouvelle cyber-attaque à Natanz, comme en 2010, lorsqu’Israël et les Etats-Unis ont été soupçonnés d’avoir détruit près de 1000 centrifugeuses sur le site avec le ver informatique Stuxnet.

Cependant, d’autres causes sont également concevables pour expliquer cet incendie, comme une explosion au cours de tests de centrifugeuses.

Le site nucléaire détruit par un engin explosif

Le «New York Times» a cité un membre d’un service de renseignement au Moyen-Orient qui attribue à Israël l’incident survenu sur le site nucléaire, précisant qu’une «bombe puissante» a été utilisée. Un membre du corps des Gardiens de la révolution islamique en Iran a confirmé l’emploi d’un engin explosif.

C’est dans ce contexte qu’Israël, puissance nucléaire non déclarée, a mis sur orbite le satellite espion Ofek 16 à l’aide d’une fusée Shavit dans la nuit de dimanche à lundi. La transmission de données a commencé comme prévu, a indiqué lundi le ministère israélien de la Défense.

Le site nucléaire de Natanz sur une image satellite du 3 juillet.
Le site nucléaire de Natanz sur une image satellite du 3 juillet.
Keystone

L’ancien chef du renseignement militaire israélien Amos Yadlin a affirmé dans un tweet que les capacités associées à Ofek 16 en matière de stratégie et de renseignement étaient significatives «en ces temps où une possible escalade avec l’Iran se dessine».

Une capacité opérationnelle accrue

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré lundi que le lancement du satellite améliorait considérablement la capacité du pays «à agir contre les ennemis d’Israël, proches comme lointains». Il estime qu’Ofek 16 «renforce considérablement [la] capacité [d’Israël] à agir sur terre, en mer, dans les airs mais aussi dans l’espace».

Photo non datée du lancement du satellite israélien Ofek 16.
Photo non datée du lancement du satellite israélien Ofek 16.
Keystone

Auparavant, l’Iran avait indiqué avoir construit «des villes de missiles terrestres et offshore» souterraines dans le golfe Persique. L’objectif est de dissuader les ennemis de l’Iran de lancer des attaques militaires, a déclaré Alireza Tangsiri, commandant de la marine du corps des Gardiens de la révolution islamique, d’après l’agence de presse Tasnim.

Israël a envoyé des signaux ambigus au sujet des spéculations sur son implication dans l’incendie de Natanz. Dimanche, le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi a évoqué la menace représentée par le programme nucléaire iranien: «Nous prenons des mesures dont il vaut mieux ne pas parler». Le ministre de la Défense Benny Gantz a pour sa part soutenu que «tous les incidents qui se produisent en Iran [n’étaient] pas nécessairement liés à [Israël].»

Cyber-attaque et cyber-riposte

En mai, le «Washington Post» a rapporté qu’Israël avait lancé une cyber-attaque pour bloquer des ordinateurs de commande du port iranien de Shahid Rajaei à Bandar Abbas. D’après le journal, le pays a probablement répondu à une tentative iranienne de piratage d’ordinateurs contrôlant l’approvisionnement israélien en eau.

Centrifugeuses à Natanz, au début du mois de novembre 2019.
Centrifugeuses à Natanz, au début du mois de novembre 2019.
Keystone

Le «Jerusalem Post» a émis l’hypothèse que si l’une des récentes explosions en Iran était due à des attaques des États-Unis, d’Israël ou des Saoudiens, cela avait seulement permis de gagner du temps sans pour autant priver Téhéran de sa capacité de construction d’armes nucléaires sur le long terme. L’Iran posséderait déjà suffisamment de matière fissile pour produire une ou deux bombes nucléaires. «Ce qui manque avant tout, c’est la décision d’enrichir le matériel faiblement enrichi pour le rendre apte à une utilisation dans des armes», a indiqué le «Jerusalem Post».

Selon la publication, l’Iran dispose de «quelques centaines de centrifugeuses plus modernes» et de près de 20 000 centrifugeuses IR-1 et IR-2, moins sophistiquées, dont 75% seraient hors service. L’IR-9, la centrifugeuse la plus moderne, fonctionnerait 50 fois plus vite que les modèles plus simples, mais la question de savoir si elle est opérationnelle est sujette à controverse.

Les capacités iraniennes

Dans le cadre de l’accord international sur le nucléaire – dont les Etats-Unis se sont retirés unilatéralement – signé en 2015, l’Iran s’était engagé à concentrer son enrichissement d’uranium à Natanz et à se soumettre aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pendant 25 ans.

Le bâtiment détruit du site nucléaire de Natanz, le 2 juillet.
Le bâtiment détruit du site nucléaire de Natanz, le 2 juillet.
Keystone

Au cours des dix premières années, l’Iran avait accepté de mettre hors service deux tiers de ses capacités d’enrichissement et de réduire le nombre de centrifugeuses de 19 000 à environ 6100.

L’Iran avait également convenu de limiter l’enrichissement à 3,67% (pour l’énergie nucléaire), sachant qu’un enrichissement à 90% est supposé nécessaire pour la production de bombes nucléaires. Téhéran avait déjà atteint un enrichissement à 20% pouvant servir à des fins médicales.

En vertu de l’accord sur le nucléaire, la quantité d’uranium enrichi à 3,67% a été réduite de 10 000 à 300 kg pendant 15 ans. L’Iran estime qu’il n’est plus soumis à ces restrictions, étant donné que les Etats-Unis accablent son économie de sanctions et que les autres signataires de l’accord sur le nucléaire ne font rien de concret face à cela.

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