L'ex-footballeur Mikheïl Kavelachvili, passé par Manchester City et plusieurs clubs suisses dont le FC Sion, est fortement pressenti pour devenir le prochain président de la Géorgie samedi. Il est connu pour ses diatribes contre les détracteurs du pouvoir, à l'égard duquel il affiche une loyauté à toute épreuve.
Agé de 53 ans, M. Kavelachvili a fait des discours devant le Parlement de cette nation du Caucase, souvent pleins d'obscénités, visant les critiques du parti au pouvoir, le Rêve géorgien, ou encore les personnes LGBT+.
Avant de rejoindre le Rêve géorgien, il avait eu une carrière de footballeur dans des clubs géorgiens et européens. Il a passé une saison à Manchester City, avant de fouler les pelouses de Suisse (GC, Zurich, Lucerne, Sion, Aarau et Bâle).
Pouvoirs limités
En remerciement de sa loyauté, il sera catapulté à la tête de l'Etat, à un moment délicat pour la Géorgie. La présidentielle, au suffrage indirect depuis des modifications controversées apportées à la Constitution en 2017, se déroulera samedi. Un collège électoral, contrôlé par le Rêve géorgien, devrait, sauf surprise, l'élire à ce poste, malgré l'opposition de la présidente actuelle, qui a annoncé qu'elle refuserait de quitter ses fonctions.
En Géorgie, les pouvoirs du chef de l'Etat sont limités et essentiellement symboliques. Mais cela n'a pas empêché l'actuelle présidente, l'ex-diplomate française Salomé Zaroubichvili, en rupture avec le gouvernement, de devenir l'une des voix de l'opposition pro-européenne.
Ce vote intervient à un moment où la Géorgie est plongée dans une crise politique depuis des législatives fin octobre dont les résultats sont contestés et des manifestations de rue, émaillées de violences.
Loyal au milliardaire Ivanichvili
Les manifestants pro-occidentaux accusent Mikheïl Kavelachvili d'être une marionnette du milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie, fondé le parti Rêve géorgien et dirige la Géorgie en coulisses depuis 2012. Selon M. Ivanichvili, son poulain Mikheïl Kavelachvili est «l'incarnation de l'homme géorgien».
Portant la moustache, les cheveux gominés et peignés en arrière, il est connu pour ses phrases au vitriol. Ses opinions politiques s'alignent sur les idéologies d'extrême droite, notamment en ce qui concerne l'identité nationale, l'opposition à la reconnaissance des droits des minorités sexuelles et la promotion de la «pureté des valeurs traditionnelles des Géorgiens» contre ce qu'il décrit comme un «fascisme libéral putride» imposé par l'Occident.
L'une de ses cibles est les personnes LGBT+, victimes d'une hostilité forte, en particulier hors de la capitale Tbilissi, dans ce pays où l'influence du christianisme orthodoxe reste prégnante.
L'ancien footballeur a notamment accusé les Occidentaux de vouloir qu'"un maximum de personnes soient neutres et tolérantes envers l'idéologie LGBTQ qui défend supposément les faibles, mais qui s'oppose en fait à l'humanité».
Champion de Suisse
Né dans la petite ville de Bolnisi (sud-ouest) en 1971, Mikheïl Kavelachvili a entamé sa carrière sportive dans les années 1980, en jouant dans des équipes en Géorgie et en Russie, avant de faire partie de la sélection nationale géorgienne.
Evoluant au poste d'attaquant, il a joué pour Manchester City, en Angleterre, pendant la saison 1995-1996, puis principalement en Suisse. Il a remporté un titre de champion en 1998 avec Grasshopper et une coupe avec le FC Zurich deux ans plus tard.
Cités par le Nouvelliste, ses anciens coéquipiers Frédéric Chassot et Yvan Quentin ne se souviennent pas l'avoir entendu parler de politique, durant leurs années en commun.
Elu en 2016
A partir de 2016 – neuf ans après avoir quitté le FC Bâle -, il est député au Parlement et a été réélu à l'issue des législatives décriées d'octobre. En 2022, il avait créé une faction prônant des thématiques anti-occidentales qui s'est officiellement séparée du Rêve géorgien, tout en étant considérée comme étant sous sa coupe.
Dans ses discours, il a accusé les Occidentaux de vouloir pousser la Géorgie – qui a déjà connu une courte guerre avec la Russie en 2008 – dans le conflit armé en Ukraine.
Sa nomination en tant que candidat à la présidence a exaspéré les manifestants pro-UE. «Je peux difficilement imaginer quelqu'un de moins approprié pour ce rôle», lâche Nika Gobronidzé, un historien de 53 ans.
Pour lui, M. Ivanichvili veut un président sous son contrôle: «l'empereur romain Caligula voulait un cheval comme consul, notre oligarque veut sa marionnette Kavelachvili comme président.»
Légitimité critiquée
Le processus de vote indirect rend l'élection de Mikheïl Kavelachvili presque certaine. Mais sa légitimité est déjà critiquée par des experts en droit constitutionnel, à l'instar de l'auteur de la Constitution géorgienne, Vakhtang Khmaladzé.
Car le Parlement a organisé l'élection du président sans avoir été investi, comme le veut la loi, par l'actuelle cheffe de l'Etat, qui a refusé de le faire. Mme Zourabichvili a jugé que la nouvelle législature et le gouvernement étaient «illégitimes» et juré de ne pas quitter ses fonctions à la fin de son mandat, le 29 décembre, si les autorités n'organisent pas de nouvelles législatives.