Ukraine Poutine dit Marioupol «libérée», Biden augmente son aide militaire

ATS

22.4.2022 - 00:16

Le président russe Vladimir Poutine a déclaré jeudi que les forces russes avaient «libéré» le port stratégique ukrainien de Marioupol, une affirmation jugée «contestable» par Joe Biden, qui a annoncé 800 millions de dollars d'aide militaire supplémentaire à Kiev.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez (à droite) et son homologue danoise Mette Frederiksen (à gauche) se sont rendus jeudi en Ukraine.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez (à droite) et son homologue danoise Mette Frederiksen (à gauche) se sont rendus jeudi en Ukraine.
ATS

Keystone-SDA

La chute définitive de Marioupol, un grand port industriel sur la mer d'Azov devenu ville-martyre et champ de ruines après bientôt deux mois de pilonnage et de siège russes, constituerait une victoire importante pour Moscou, dont l'armée a accumulé les revers depuis le début de son invasion de l'Ukraine le 24 février.

Mais, malgré un nouvel appel à la reddition jeudi, les combattants ukrainiens encore retranchés dans l'immense complexe métallurgique Azovstal et ses kilomètres de galeries souterraines, refusent de déposer les armes.

Vladimir Poutine a dit avoir ordonné à ses troupes de ne pas lancer d'assaut, mais de bloquer la zone «de sorte que pas une mouche ne passe», au cours d'une réunion avec son ministre de la Défense Sergueï Choïgou montrée à la télévision russe.

Annonce contestée

Joe Biden a de son côté jugé «contestable» l'annonce de la prise de cette ville par l'armée russe. Vladimir Poutine «ne réussira jamais à dominer et occuper toute l'Ukraine», a-t-il ajouté.

Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a réclamé jeudi, dans un tweet, l'instauration d'"un couloir humanitaire d'urgence» avec des «garanties» de sécurité pour évacuer les civils encore «présents en grand nombre» dans l'aciérie, selon lui.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky affirmait mercredi qu'il y avait encore un millier de civils, «femmes et enfants» et des «centaines de blessés» à cet endroit. Jeudi, le maire de Marioupol Vadim Boïtchenko a parlé de «300 à 1000 civils».

Le ministre russe Choïgou a quant à lui donné le nombre de 2000 combattants encore dans l'aciérie. Il n'a pas évoqué la présence de civils. Ces chiffres sont invérifiables de source indépendante.

Quelques évacuations

Les autorités locales redoutent que plus de 20'000 personnes ne soient mortes à Marioupol, qui comptait quelque 450'000 habitants avant la guerre, en raison des combats mais aussi de l'absence de nourriture, d'eau et d'électricité.

Depuis des jours déjà, les Russes contrôlent une grande partie de cette ville, où il reste selon eux quelque 250'000 habitants, ayant même emmené des journalistes occidentaux sur place.

Alors que les évacuations de civils ont été, tout au long du siège, rares et périlleuses à organiser, trois bus transportant des civils sont arrivés jeudi après-midi à Zaporijjia, à 200 km au nord-ouest de Marioupol.

«Dès le premier jour, nous étions au sous-sol (...) Il faisait froid. Nous priions Dieu. Je lui demandais de nous protéger», a raconté Valentina Grintchouk, 73 ans, ajoutant cependant que de jeunes militaires russes «pas agressifs» l'avaient régulièrement ravitaillée en eau et nourriture.

D'autres ont fait état des bombardements, d'un char qui tire, des tireurs embusqués sur les toits et d'une opération organisée devant les caméras de la télévision russe. «Cette évacuation était un show», a dit Anastasia, 19 ans.

Départs «au compte-gouttes»

«De nombreuses personnes vivant dans les territoires occupés par les Russes veulent partir, mais ils les en empêchent», a de son côté affirmé la vice-Première ministre ukrainienne Irina Verechtchouk, présente à Zaporijjia.

Les départs, étroitement contrôlés par les Russes, se font au compte-gouttes, selon le maire de Marioupol. La route est périlleuse avec beaucoup de points de contrôle à franchir dans cette région du sud-est de l'Ukraine où les combats continuent.

L'administration régionale a affirmé que la ville de Zaporijjia même avait subi jeudi deux frappes russes. Elle a dit dans la soirée que huit civils avaient été blessés dans l'une d'elles.

Tirs sur toute la ligne de front

Dans le reste du Donbass et du sud de l'Ukraine, les forces russes «poursuivent leurs tirs d'artillerie sur toute la ligne de front», selon Kiev. Avec notamment des combats dans la région d'Izioum, des «bombardements incessants» à Popasna et Roubijné, dans la région de Lougansk, et de nouvelles frappes sur Mykolaïv, sur la route d'Odessa, qui ont fait un mort et deux blessés, selon son gouverneur Vitaly Kim.

Plus au nord, deux civils ont été tués et deux blessés dans des bombardements sur la région de Kharkiv, a annoncé le gouverneur régional Oleg Sinegoubov sur sa chaîne Telegram.

Le ministère russe de la Défense a quant à lui annoncé une série de frappes aériennes des forces russes, notamment sur la zone de Mykolaïv, et que celles-ci avaient visé à l'artillerie près de 60 «centres de commandement» ukrainiens dans l'est et le sud.

Si les forces russes se sont retirées de la région de Kiev fin mars, à Borodianka, une des localités proches de la capitale qu'elles ont occupées, la police de Kiev a affirmé jeudi avoir déterré neuf nouveaux corps de civils «tués par les occupants russes», dont certaines avec «des traces de tortures».

Au total, «1020 corps de civils», ont été retrouvés par les autorités ukrainiennes et transportés dans des morgues pour examens, a déclaré jeudi à l'AFP la vice-Première ministre ukrainienne Olga Stefanichyna. Kiev dénonce avec les Occidentaux des «crimes de guerre» perpétrés par les Russes, une accusation formellement rejetée par la Russie.

Premier ministre espagnol

En visite dans la capitale ukrainienne avec son homologue danoise, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'est dit «choqué de voir les horreurs et les atrocités de la guerre de Poutine dans les rues de Borodianka», après un passage dans cette localité. «Nous ne laisserons pas le peuple ukrainien seul», a-t-il ajouté.

Dans une autre localité au nord de Kiev, Mochtchoun, dévastée par les combats, ses habitants ne peuvent rentrer chez eux qu'après avoir signé une dérogation par laquelle ils acceptent le risque d'être tués ou blessés, en raison des mines et autres engins explosifs encore présents.

«J'utilise une corde avec un crochet», a expliqué à l'AFP Vadim Jerdetskiï, le propriétaire d'une boulangerie. «Il faut le jeter et le faire traîner par terre. Si rien n'explose, tu peux avancer de cinq mètres».

Une guerre longue

Si la bataille de Marioupol semble toucher à sa fin, celle qui a pour enjeu le contrôle de l'ensemble de la région du Donbass et une partie du sud de l'Ukraine s'annonce longue.

D'un côté, la prise de Marioupol, en permettant aux Russes de faire la jonction complète entre leurs forces dans le nord de ce bassin minier et celles en provenance de Crimée, pourrait dégager des effectifs afin de renforcer leurs positions sur la ligne de front plus au nord. De l'autre, les Ukrainiens ont obtenu ces derniers jours une aide militaire plus substantielle tant des Américains que de certains de leurs alliés.

Joe Biden a encore annoncé jeudi une nouvelle enveloppe de 800 millions de dollars comprenant «des armes d'artillerie lourde, des dizaines de (canons) Howitzer, 144'000 munitions ainsi que des drones», selon la Maison Blanche.

Pedro Sanchez a pour sa part annoncé de Kiev que Madrid allait livrer à l'Ukraine «200 tonnes» de matériel militaire, soit le double de l'aide fournie jusqu'ici dans ce domaine par l'Espagne.

Milliards pour la reconstruction

L'Ukraine va avoir besoin de «centaines de milliards de dollars» pour sa reconstruction, a d'ores et déjà averti le président Volodymyr Zelensky à l'intention des Occidentaux.

Le conflit a jeté sur les routes de l'exil plus de cinq millions d'Ukrainiens, selon l'ONU, et déplacé plus de 7,7 millions de personnes à l'intérieur de l'Ukraine, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

En guise de contre-sanctions, Moscou a interdit jeudi d'entrée sur son territoire 29 personnalités américaines, dont Mark Zuckerberg, le patron de Meta, et la vice-présidente Kamala Harris, ainsi que 61 personnalités et journalistes canadiens.