Élections au BrésilLes indigènes espèrent tourner la page de Bolsonaro
ATS
29.9.2022 - 07:55
Un nombre record de candidats indigènes se présente aux élections dimanche au Brésil. Ce pour tourner la page sur la politique du président Jair Bolsonaro, jugée catastrophique par les peuples autochtones.
29.09.2022, 07:55
ATS
Le chef de l'Etat d'extrême droite brigue un deuxième mandat quatre ans après être arrivé au pouvoir en promettant de ne pas céder un centimètre de terre en plus aux indigènes. M. Bolsonaro est devancé dans les intentions de vote par l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).
Quelque 171 indigènes se présentent aux élections régionales et fédérales. Des candidats et des chefs de peuples autochtones expliquent à l'AFP les enjeux de ces élections.
Mettre fin au «génocide»
Pour la candidate à la Chambre des députés Sonia Guajajara, la politique menée lors du mandat de Bolsonaro n'est rien de moins qu'un «génocide institutionalisé».
Mme Guajajara, citée en mai sur la liste des personnes les plus influentes au monde du magazine Time, pointe le soutien de Bolsonaro aux activités agricoles ou minières au détriment de la forêt et sa volonté de régulariser les invasions y compris dans des zones protégées comme les réserves indigènes.
Bolsonaro défend également les orpailleurs, accusés d'envahir les territoires où habitent les peuples autochtones, de violer et tuer les membres de ces communautés, et d'empoisonner les eaux avec du mercure.
Reconstruire les politiques
«Les quatre années du gouvernement Bolsonaro ont été synonyme de tragédie et de génocide institutionnalisé pour les peuples indigènes», affirme à l'AFP Mme Guajajara, 48 ans, qui souhaite devenir la première femme indigène à représenter l'état de Sao Paulo au Congrès.
Portant une coiffe de plumes colorées et secouant un maraca – instrument de percussion – , la native de la forêt amazonienne entraîne une foule lors d'une manifestation dans la capitale pauliste et crie: «Dehors, Bolsonaro!» Sonia Guajajara est aujourd'hui la cheffe charismatique de l'Association des peuples indigènes du Brésil (APIB).
S'il est élu, Lula a promis de créer un ministère des Affaires indigènes. Mme Guajajara assure qu'elle veillera à ce qu'il protège leurs terres. «On veut reconstruire toutes les politiques pro-indigènes que le gouvernement de Bolsonaro a démantelées», dit-elle.
«Tristesse pour notre forêt»
Bitate Uru-Eu-Wau-Wau, chef indigène de 22 ans, mène le combat sur deux fronts. Autour de son village, il organise des patrouilles pour empêcher les invasions des terres habitées par son peuple de 200 personnes. C'est le sujet du film «Le territoire» produit par National Geographic et sorti le mois dernier auquel Bitate a participé.
Dans ses interactions avec le monde au-delà de la forêt, Bitate multiplie les campagnes pour sensibiliser le public sur le pillage des terres de son peuple Uru-Eu-Wau-Wau et sur l'impact de la politique «anti-indigènes» de Bolsonaro. «Nous avons très peur, nous avons reçu beaucoup de menaces, de messages disant 'on vient vous chercher, on va tuer tous les enfants du village'», soutient Bitate.
Selon lui, les invasions de leurs terres se multiplient et la réponse des autorités – notamment de l'agence Funai – n'est pas à la hauteur. Les critiques de Bolsonaro l'accusent d'avoir réduit l'agence comme peau de chagrin en coupant dans ses budgets et ses effectifs. «Nous traversons une époque d'immense tristesse pour notre forêt, qui est en train de brûler... Je ne dis pas que Lula serait génial, mais il serait mieux que Bolsonaro».
«Voix au Congrès»
Saluant ses partisans avec un sourire rayonnant et un rire contagieux, Vanda Witoto marche dans les rues de Manaus à la tête d'un défilé énergique qui espère faire élire la toute première représentante indigène de l'Amazonas, l'Etat qui compte la plus grande part des 900'000 indigènes du Brésil.
La candidate à la Chambre des députés, âgée de 35 ans, dit avoir décidé de se présenter aux élections après avoir observé la réponse chaotique de l'administration Bolsonaro à la pandémie de coronavirus, qui a durement touché les communautés autochtones.
L'infirmière technicienne a raconté comment elle s'était battue pour soigner les patients quand s'effondrait les services de santé publique dans la capitale de l'Etat, Manaus. Les images de scènes horribles de victimes du Covid-19 suffoquant sans oxygène ont fait le tour du monde.
Cette expérience l'a convaincue de «l'importance pour nous (les peuples indigènes) d'avoir une voix au Congrès pour défendre nos terres, la vie de nos peuples, nos droits», dit-elle. «C'est tellement important, non seulement pour les peuples autochtones mais aussi pour l'Amazonie. Nous voulons être au Congrès».