Attentats de Madrid«La peur est restée en moi» - Ils se souviennent de cette journée d’horreur
AFP
8.3.2024
Vingt ans ont passé depuis qu'Ángeles Pedraza a perdu sa fille dans les sanglants attentats jihadistes du 11 mars 2004 à Madrid mais la douleur de cette femme de 65 ans reste à vif et ses questions sans réponses.
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08.03.2024, 07:44
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«Même si tous les jours sont tristes et douloureux (...) quand une date comme celle-là (l'anniversaire des attentats) approche, c'est encore pire, parce que, vingt ans après, je me demande encore, pourquoi ?», confie à l'AFP cette retraitée, de son domicile de Valdemoro, dans la banlieue sud de la capitale espagnole.
Sa mémoire n'est plus ce qu'elle était mais elle assure se souvenir de «chaque minute» de ce jeudi-là quand dix bombes avaient explosé dans quatre trains de banlieue peu après 07H30, faisant 192 morts - dont sa fille Miryam, 25 ans - et près de 2.000 blessés.
Elle se rendait au travail en voiture lorsqu'elle a entendu à la radio les premières informations. Au début, dit-elle, elle ne s'est pas trop inquiétée pour ses enfants, les explosions ayant eu lieu à la gare d'Atocha, dans le centre de Madrid.
Mais d'autres explosions ont suivi et lorsqu'elle est arrivée à son travail, tous étaient pris de panique, en quête de nouvelles de leurs proches. Rapidement, elle est parvenue à joindre son fils, qui, par miracle, ne s'était pas réveillé et était sain et sauf. Mais sa fille était injoignable.
«Je ne pardonnerai jamais»
Elle raconte avoir passé toute la journée à aller d'un hôpital à l'autre, «parce qu'à chaque heure, ils publiaient une liste des personnes hospitalisées».
«Tout ce que nous voulions, c'était entendre son nom mais nous ne l'avons jamais entendu», dit-elle. Ce fut à 03H00, alors qu'elle se trouvait dans un centre d'information pour les familles, qu'on lui annonça que sa fille faisait partie des personnes tuées.
Depuis, Mme Pedraza milite au sein de l'Association des Victimes du terrorisme (AVT), qu'elle a présidée plusieurs années durant. Son fils, qui aurait dû se trouver avec sa soeur dans le train soufflé par une bombe, n'a plus jamais reparlé de cette journée.
«Je ne vis pas avec un sentiment de haine mais je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont fait ça à ma fille», lance la sexagénaire, dont les vingt années de souffrance sont comme gravées sur le visage.
«La peur est restée en moi»
Pendant que Mme Pedraza contactait désespérément les hôpitaux à la recherche de sa fille, Francisco Alameda Sánchez, présent à bord du même train, se trouvait, quant à lui, sur les voies pour essayer d'aider les blessés, après avoir miraculeusement survécu à l'explosion.
«Je n'ai pas été blessé physiquement, même si j'avais très mal aux oreilles, alors je suis resté pour aider les gens qui étaient plus mal en point que moi», raconte-t-il à la gare d'Atocha, expliquant avoir probablement survécu parce qu'il était assis à l'endroit le plus éloigné de l'explosion.
L'horreur de la scène, avec les cris, les corps brûlés, les personnes sans jambes, ne l'a depuis jamais quitté.
Pensant être «fort et capable de s'en sortir tout seul», M. Alameda Sánchez a décidé après les attentats de retourner au travail et de refuser toute thérapie. Mais, dix ans plus tard, il a fini par rejoindre l'AVT et par chercher un thérapeute, qui l'a aidé à s'en sortir.
Malgré tout, dit-il, «la peur est restée en moi», un constat qu'il fait à chaque fois qu'il retourne dans cette gare d'Atocha, qui jouxte le parc du Retiro et le musée du Prado.
Pour sa part, Rut Jezabel García avait 24 ans lorsque le train dans lequel elle se trouvait a été en proie à une déflagration. Blessée à l'épaule, elle a dû être opérée et a souffert de problèmes d'audition et de troubles psychologiques pendant des années.
«Tout simplement horrible»
«Même si j'étais dans le train qui a subi le moins de dégâts, c'était tout simplement horrible», confie Mme García, qui travaille dans la comptabilité et a une fille de 10 ans. «Il y a les images de personnes blessées que l'on ne peut pas se sortir de la tête, même si cela fait 20 ans», ajoute-t-elle.
Depuis, elle ne prend plus jamais le même train et évite les foules, «de peur que la même chose ne se reproduise».
Malgré tout, elle se dit heureuse d'être en vie, même si la date anniversaire des attentats est toujours difficile à vivre. «Le mois de mars est horrible, malgré les années qui passent», dit-elle en retenant ses larmes. «Si je pouvais, je l'effacerais du calendrier».