Arménie/AzerbaïdjanLa perte du Nagorny Karabakh rebrasse les cartes
ATS
24.9.2023 - 14:42
Le Premier ministre arménien a annoncé dimanche un revirement d'alliance, tournant le dos à Moscou après l'invasion du Nagorny Karabakh par l'Azerbaïdjan et rebattant les cartes de l'influence russe dans le Caucase.
24.09.2023, 14:42
ATS
Dans une allocution télévisée, Nikol Pachinian a qualifié d'"inefficaces» les alliances actuelles de son pays, dans une allusion à ses relations avec Moscou héritées de l'époque où l'Arménie faisait partie de l'Union soviétique.
«Les systèmes de sécurité extérieure dans lesquels l'Arménie est impliquée se sont révélés inefficaces pour protéger sa sécurité et ses intérêts», a déclaré M. Pachinian, déstabilisé par cette invasion du Nagorny Karabakh, contre laquelle il n'a pas engagé l'armée arménienne, laissant les séparatistes de cette région peuplée en majorité d'Arméniens seuls face à la puissance de feu de Bakou.
«L'Arménie n'a jamais renoncé à ses obligations ni trahi ses alliés. Mais l'analyse de la situation montre que les systèmes de sécurité et les alliés sur lesquels nous comptons depuis longtemps se sont fixés pour tâche de montrer notre vulnérabilité et l'incapacité du peuple arménien à avoir un Etat indépendant», a-t-il ajouté.
Alliance post-URSS
L'Arménie fait encore partie de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire chapeautée par la Russie. Mais l'offensive au Nagorny Karabakh a précipité son basculement hors de la sphère d'influence de Moscou.
L'OTSC est une alliance militaire, née en 2002, qui regroupe plusieurs anciennes républiques soviétiques autour de la Russie: l'Arménie, le Bélarus mais aussi, en Asie centrale, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan.
Et l'Arménie accueille une base russe, à Gioumri, qui compte plusieurs milliers de soldats.
Avec son intervention télévisée de dimanche, «Pachinian aggrave délibérément les tensions avec la Russie. Il s'agit plus d'un chantage que d'un changement de ligne de politique étrangère. Il dit ouvertement à la Russie +si vous ne gardez pas les Arméniens au Karabakh, je quitterai l'OTSC+», décrypte l'analyste arménien indépendant Beniamin Matevossian, interrogé par l'AFP.
Il s'agit aussi, selon l'analyste, pour le Premier ministre arménien, de jeter le blâme sur Moscou, alors qu'une nouvelle manifestation dans la capitale arménienne Erevan est annoncée dimanche après-midi, pour dénoncer sa gestion de la crise et sa politique de non-intervention militaire.
«Le discours de Pachinian vise avant tout à mobiliser autour de lui non seulement ses alliés politiques et son parti mais aussi un cercle plus large de citoyens», face à la contestation, perçoit lui aussi l'analyste indépendant Hakob Badalyan, interrogé par l'AFP.
Rôle central de la Russie
La Russie est centrale dans ce conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan: c'est elle, affirmant son rôle de puissance régionale, qui avait parrainé l'accord de cessez-le-feu ayant mis fin aux précédentes hostilités en 2020.
Moscou avait déployé sur place des soldats de la paix russe, qui n'ont pas empêché l'invasion éclair du Nagorny Karabakh par les troupes de Bakou cette semaine.
«Il y a là un jeu géopolitique. Une petite force russe de maintien de la paix a été créée au Karabakh en 2020» par la Russie «qui a toujours oscillé et manipulé les deux camps», souligne Thomas de Waal, du centre Carnegie Europe, dans une analyse parue cette semaine.
Mais avec l'attaque déclenchée par l'Azerbaïdjan, «l'impression qu'il y avait eu un accord entre Moscou et Bakou s'est renforcée», ajoute-t-il, la Russie punissant Pachinian pour son «penchant pro-occidental» de plus en plus marqué.
L'annonce de dimanche confirme un éloignement grandissant depuis des mois: l'Arménie avait refusé en janvier d'accueillir des manoeuvres de l'OTSC et vient de mener avec les Etats-Unis ce mois-ci des exercices militaires, au grand dam des Russes.