Elections américaines La peur s’invite chez les partisans de Joe Biden

de René Sollberger, Las Vegas

28.9.2020

A Merritt Island, en Floride, Mary Gonzales ne se laisse pas intimider, même si elle est souvent confrontée à des mots violents des partisans de Donald Trump. Sa boîte aux lettres a également été fracassée. Et maintenant, deux de ses pancartes en faveur du candidat démocrate à la présidence Joe Biden ont disparu de son jardin devant sa maison. Elle s’adresse désormais au voleur avec une nouvelle pancarte au message sans équivoque: «Vous avez peut-être volé nos pancartes, mais vous ne nous volerez pas notre voix!» Elle l’a même montrée sur la chaîne de télévision locale News 13.
A Merritt Island, en Floride, Mary Gonzales ne se laisse pas intimider, même si elle est souvent confrontée à des mots violents des partisans de Donald Trump. Sa boîte aux lettres a également été fracassée. Et maintenant, deux de ses pancartes en faveur du candidat démocrate à la présidence Joe Biden ont disparu de son jardin devant sa maison. Elle s’adresse désormais au voleur avec une nouvelle pancarte au message sans équivoque: «Vous avez peut-être volé nos pancartes, mais vous ne nous volerez pas notre voix!» Elle l’a même montrée sur la chaîne de télévision locale News 13.
Screenshot News13

Les pancartes en soutien à Joe Biden disparaissent par milliers des jardins de ses partisans. En revanche, les «yard signs» de Donald Trump restent pour la plupart intacts. La campagne électorale américaine prend des airs de guerre des jardins...

Nancy Holschuh vit au beau milieu d’un territoire de Donald Trump, dans la petite ville de Kaukauna dans le Wisconsin, à environ 300 kilomètres au nord de Chicago. Agée de près de 70 ans, elle aide à produire et à distribuer des pancartes en soutien à Joe Biden, le candidat démocrate à la présidence.

«Sur les dix pancartes que j’ai remises, cinq ont disparu en plein jour», affirme-t-elle. Il ne peut pas s’agir d’enfants, elle en est sûre, car il n’y a pas d’enfants dans cette rue. «C’est comme une guerre pour les partisans de [Donald] Trump. Ils pensent que tout est permis pour gagner, même la tricherie.»

Focus sur les élections américaines de 2020

Les Américains se rendent aux urnes: «blue News» suit la phase critique du duel pour la Maison-Blanche, non seulement depuis la Suisse, mais également à travers des reportages de journalistes suisses vivant aux Etats-Unis. Donald Trump ou Joe Biden? Le scrutin est prévu le 3 novembre.

Les «yard signs» dans les jardins américains étaient auparavant considérés comme sacrés. Chacun pouvait exprimer son opinion même si elle était différente de celle des autres. Des pancartes disparaissaient déjà pendant les précédentes campagnes électorales. Mais jamais dans cette mesure. Donald Trump a tout changé. Le comportement grossier du président a encouragé ses partisans à l’imiter. Tous les coups sont permis.

Une nouvelle étape franchie

«Le paysage politique est tellement divisé que certains sont littéralement incapables de tolérer la vue d’une opinion différente», affirme Erin Shifflett, une professeure d’anglais de 46 ans vivant dans le sud-ouest de la Pennsylvanie. Elle aussi a vu des pancartes pro-Biden disparaître devant chez elle. Il s’agissait de deux pancartes qu’elle avait éclairées. «Ces gens se sentent obligés de détruire tout ce avec quoi ils ne sont pas d’accord.»

Erin Shifflett ne s’était jamais fait voler ses pancartes. Même pas par le passé, quand elle vivait dans les Etats du Texas et de l’Alabama acquis à la cause des républicains, alors qu’elle affichait également son soutien en faveur des démocrates.

Malgré tout, elle ne veut pas abandonner. Bien au contraire: elle entend remplacer les deux pancartes disparues par six autres. Et sa voiture est recouverte d’autocollants pro-Biden, tout comme celle de son mari. Elle a déjà commandé un immense drapeau qu’elle veut accrocher très haut sur sa maison. «Pour le voler, il faudrait escalader la maison comme Spider-Man.» Le fait de devoir mettre toutes les pancartes en hauteur chez elle n’entame pas sa motivation: «Nous sommes déterminés à faire en sorte que notre voix soit entendue.»

Les partisans de Donald Trump font peur

Les exemples relevés au Wisconsin et en Pennsylvanie ne sont pas des cas isolés. Dans tout le pays, les partisans de Joe Biden déplorent la disparition massive de pancartes, surtout la nuit. Et dans le même temps, de nombreux électeurs démocrates – en particulier les plus âgés – sont désorientés. Craignant de se faire attaquer par des partisans de Trump, ils ne mettent plus du tout de pancartes et se contentent de donner de l’argent anonymement.

Certains veulent rester fidèles à leurs convictions politiques, mais n’osent pas le faire par crainte pour la sécurité de leur famille et de leur foyer.

Contrairement aux autres, Ankur Marwaha ne veut pas se cacher et exhorte les utilisateurs des réseaux sociaux à afficher leurs couleurs. Elle a même mis un autocollant démocrate en photo de profil. «Nous sommes entourés de vieux électeurs de [Donald] Trump dans notre quartier», dit-elle. Son drapeau américain est donc suspendu à l’envers «en signe de désespoir».

Mais sous le drapeau américain, il y a aussi un drapeau avec les noms de Joe Biden et Kamala Harris, qui se présente aux élections en tant que candidate démocrate à la vice-présidence. «Nous avons également plusieurs pancartes en soutien à Joe Biden et aux candidats démocrates locaux dans le jardin, et chaque semaine, j’en mets une nouvelle juste pour [énerver les partisans de Donald Trump].»

Paula Kellog évoque une maison de son voisinage devant laquelle au moins 40 panneaux pro-Trump sont visibles, en plus de dix drapeaux et de deux pick-ups recouverts de publicité pro-Trump. «C’est une agression visuelle, même pour les partisans de [Donald] Trump.» Kelley Shawn confie également que beaucoup de gens la remercient pour les pancartes pro-Biden qu’elle expose dans son jardin et trouvent finalement le courage d’afficher aussi leurs couleurs dans leur jardin. «On ne doit pas se cacher dans le noir.»

Excréments de chien et paillettes

Des astuces circulent déjà pour faire cesser les vols. Le plus simple est de mettre les pancartes à sa fenêtre ou de les fixer en hauteur sur sa maison. Certains installent des caméras. Une dame d’un certain âge a accroché sa pancarte à la balustrade de son porche avec du fil de fer, une autre l’a placée au milieu de lierre vénéneux.

De même, les suggestions s’accumulent quant à ce qu’on peut étaler ou vaporiser sur les pancartes pour dissuader les voleurs : des piments moulus, un mélange d’extrait de menthe poivrée et de Vicks, de l’urine de renard, de coyote ou de cerf – que l’on peut se procurer dans les magasins de chasse. Mais il y a encore plus simple: de l’huile d’olive, de la graisse ou de la vaseline avec du poivre de Cayenne et des paillettes. On peut aussi utiliser de la sauce Tabasco et des paillettes, du miel et des paillettes ou encore des excréments de chien et des paillettes.

Les paillettes sont l’ingrédient le plus important, est-il précisé dans un groupe Facebook. Une fois sur les mains ou dans la voiture, les paillettes restent incrustées pendant des semaines, voire des mois. Une femme écrit: «Les paillettes, c’est l’herpès des bricoleurs.»


René Sollberger vit aux Etats-Unis depuis 2013. Après avoir passé tout d’abord deux ans à Boston puis cinq ans à San Francisco, il s’est installé à Las Vegas en 2020. Marié à une Américaine, il travaille comme journaliste spécialisé dans l’économie et la politique. Il a travaillé par le passé pour «Cash», la «Berner Zeitung» et la «Handelszeitung», entre autres publications.

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