Ils quittent Bakhmout «Les balles sifflaient au-dessus de ma tête, je ne supportais plus»

ATS

27.1.2023 - 07:44

Olena Morozova a résisté pendant des mois aux bombardements sur Bakhmout, au coeur de ce qui est devenu la bataille la plus terrible de la guerre en Ukraine. Mais jeudi, elle en a eu assez.

Des gens marchent dans les rues de la ville de Bakhmut, dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, le 20 janvier 2023. Ces derniers jours, les habitants ayant résisté aux bombardements sont de plus en plus nombreux à partir.
Des gens marchent dans les rues de la ville de Bakhmut, dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, le 20 janvier 2023. Ces derniers jours, les habitants ayant résisté aux bombardements sont de plus en plus nombreux à partir.
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27.1.2023 - 07:44

«Quand je sortais dans la cour, les balles sifflaient au-dessus de ma tête. Mes mains tremblaient. Je ne le supportais plus», a-t-elle dit à l'AFP, ses affaires près d'elle, en attendant d'être évacuée dans un centre d'aide humanitaire.

Son fils a prié sa mère, âgée de 69 ans, de quitter la ville assiégée, qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était: quelques milliers de personnes, contre 70'000 avant la guerre, trouvent refuge dans les sous-sols et dépendent de l'aide humanitaire pour survivre à l'enfer.

Les combats ont été acharnés, surtout sur la rive est de la rivière Bakmoutka, qui coupe la ville en deux. Mais au cours des derniers jours, la Russie a gagné du terrain, occupant la ville voisine de Soledar.

«J'ai pensé à quitter la ville il y a deux semaines, mais je n'arrivais pas à me décider», a expliqué Olena Morozova. «Maintenant, nous savons qu'ils [les Russes, ndlr] approchent. Ils sont déjà en banlieue, pas loin de nous, et nous ne voulons pas d'eux dans nos vies».

Invivable

Les habitants de Bakhmout ont longtemps été nombreux à résister aux bombardements quasi permanents, dit Tetiana Scherbak, 51 ans, volontaire au sein de l'ONG Unity of People, qui a mis en place des centres d'aide humanitaire dans la ville. Mais ces derniers jours, ils sont de plus en plus nombreux à partir.

«Les habitants choisissent d'être évacués, car les attaques sont devenues plus fréquentes», dit-elle. «Les Russes sont arrivés tout près de la ville. De nombreuses maisons ont été détruites».

Et puis avec le froid, la situation devient invivable, explique Tetiana Scherbak. «C'est maintenant l'hiver. Les gens sont restés tant qu'ils avaient des maisons».

Mais quitter son domicile peut être extrêmement dangereux. Quand Olena Morozova et sa voisine, avec qui elle avait trouvé refuge dans un quartier est de la ville, ont décidé d'évacuer, elles sont parties de nuit, alors que les bombardements avaient baissé en intensité.

Elles ont longtemps poussé des chariots, chargés de leurs affaires, avant de traverser le fleuve et atteindre l'un des centres d'aide humanitaire, où elles se sont effondrées et ont pu dormir dans l'attente d'être évacuées en voiture vers Kramatorsk, quelque 30 km plus loin.

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«Recommencer à zéro»

«Nous avions nos affaires prêtes depuis un mois», raconte Olena Morozova. Elle n'arrivait tout simplement pas à quitter sa maison. «Je suis déjà âgée et c'est dur de tout quitter. Mais nous ne pouvions plus le supporter. Nous n'en avions plus la force».

Natalia et sa mère Valentina ont, elles aussi, quitté l'est de la ville jeudi matin, avec leur chat, leur radio et quelques affaires. «Nous sommes restées tant que c'était supportable. Mais hier, on a annoncé que les forces ukrainiennes avaient quitté Soledar et Soledar est tout près de chez nous», a expliqué Valentina, 73 ans.

Elles ont vu d'autres civils, habitant à l'autre bout de leur rue, être évacués vers les lignes russes. Sa propre famille a été déchirée par la guerre. Elle s'est séparée de son mari «pour des raisons politiques». «Il soutenait les nouvelles autorités», a-t-elle dit.

Mais devoir abandonner sa ville natale lui brise le coeur. Et Valentina se demande dans quel état elle trouvera sa maison et son commerce si jamais elle revient un jour. «J'ai du mal à comprendre le sens de ma vie ici pendant 50 ans, a-t-elle dit. Je vais devoir recommencer à zéro».

ATS