Lausanne Six militantes devant la justice pour avoir manifesté seins nus

sj, ats

19.5.2022 - 13:41

Six militantes féministes ont comparu jeudi devant le Tribunal de police de Lausanne. Elles sont accusées d'avoir manifesté seins nus dans les rues de la ville lors de la Journée internationale des femmes du 8 mars 2021. Leurs avocates ont plaidé l'acquittement.

Un «mur des inégalités» avait été détruit à Lausanne en 2021 dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes.
Un «mur des inégalités» avait été détruit à Lausanne en 2021 dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes.
KEYSTONE/JEAN-GUY PYTHON

19.5.2022 - 13:41

Elles faisaient partie d'un groupe de 18 femmes ayant défilé sans autorisation dans la capitale vaudoise, dans un contexte de règles strictes liées au Covid-19. Après une quinzaine de minutes, elles avaient été interpellées par la police qui leur avait demandé de décliner leur identité et de se rhabiller. Elles avaient obtempéré sans résistance avant de se disperser.

Toutes ont ensuite reçu des ordonnances pénales de 360 francs plus des frais judiciaires de 200 francs. Douze femmes ont payé leur amende de 560 francs alors que six autres s'y sont opposées. Ce sont elles qui étaient donc sur les bancs du tribunal à Montbenon.

La Préfecture de Lausanne a retenu contre elles la participation à une manifestation interdite de plus de 15 personnes sur l'espace public, le trouble à la tranquillité publique et l'habillement contraire à la décence ou à la morale publique. C'est ce dernier chef d'accusation qui a motivé l'opposition aux ordonnances pénales.

«Sexualisation discriminante»

Dénonçant une sexualisation discriminante de la part des autorités, ces militantes féministes ont entre-temps créé un collectif nommé «Revoltétons-nous!». Avec un double objectif: récolter des fonds pour payer les frais de justice mais aussi lutter contre la sexualisation des corps genrés féminins.

«Il est révoltant que lors d'une marche féministe, des torses nus puissent être jugés 'indécents' ou 'immoraux'. C'est pourquoi un combat est lancé contre cette décision, avec pour objectif de faire jurisprudence, et de potentiellement pouvoir participer légalement aux manifestations féministes seins et torses nus», ont-elles revendiqué.

Leur défense a été assurée par cinq avocates et un avocat. Elle a pris une tournure très juridique. Estimant notamment qu'il n'y avait pas eu d'outrage public à la pudeur, elles ont plaidé l'acquittement. Leur cortège était «dépourvu de tout caractère sexuel», a dit l'une des avocates. «On ne se reproduit pas en marchant torse nu», a-t-elle ajouté.

Règlement de police «pas neutre»

La défense a aussi mis en avant le droit à la vie privée et à l'expression de la personnalité. Elle a rappelé qu'il s'agissait aussi d'un engagement politique lors d'un événement ponctuel, soit la Journée internationnal des droits des femmes -, que les militantes n'étaient pas entièrement dénudées et qu'elles n'avaient pas montré leur partie génitale.

Une des avocates a souligné que les vrais coupables étaient plutôt les badauds qui s'étaient arrêtés pour regarder les femmes aux seins nus et même les filmer pour certains. Elle a aussi relevé l'aspect discriminatoire du Règlement général de police (RGP) de la commune de Lausanne sur l'habillement, qui «n'est pas neutre», qui «cible les femmes». «Un homme ne se verrait pas infliger les mêmes sanctions qu'une femme s'il manifestait torse nu», a-t-elle lancé.

Au final, la défense a dénconcé un manque de substance juridique dans les amendes ordonnées par la Préfecture de Lausanne. Du pur formalisme et complètement disporportionnées, a-t-elle résumé. Elle a aussi estimé en substance qu'un tribunal ne devait pas protéger des préjugés ou des stéréotypes.

«Désexualiser le regard patriarcal»

Les derniers mots ont été pour les six prévenues, qui se sont levées en fin d'audience pour chacune lire à tour de rôle une revendication, un message ou un vécu personnel. Un des temps forts de l'audience. Elles se sont dites choquées par «l'absurdité des accusations», dénonçant leur caractère sexiste.

Selon elles, il est temps de «changer les paradigmes sociaux», de «désexualiser le regard patriarcal» sur les seins nus et de tendre à une égalité parfaite des genres. «Nous voulons avoir la liberté totale de disposer de nos corps», ont-elles aussi affirmé.

Le verdict est annoncé pour 16h00.

sj, ats