Mort de Hassan Nasrallah «Nous atteindrons tout le monde partout»: comment Israël a traqué le chef du Hezbollah

AFP

29.9.2024

L'élimination par Israël du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans un puissant bombardement vendredi dans la banlieue de Beyrouth, est une remarquable opération d'espionnage qui vient couronner un travail de renseignement de plusieurs années et met en exergue l'infiltration profonde du mouvement, selon des experts.

Le porte-parole de l'armée israélienne a déclaré vendredi à des journalistes que la collecte de renseignements qui a conduit à l'élimination de Nasrallah (ci-dessus) remontait à plusieurs années.
Le porte-parole de l'armée israélienne a déclaré vendredi à des journalistes que la collecte de renseignements qui a conduit à l'élimination de Nasrallah (ci-dessus) remontait à plusieurs années.
IMAGO/ZUMA Press Wire

AFP

Voici ce que l'on sait sur la manière dont Israël a mobilisé ses ressources en matière de renseignement pour mener à bien cette opération:

La préparation

Le Hezbollah a commencé à tirer des roquettes sur le nord d'Israël le 8 octobre 2023, disant agir ainsi en soutien à son allié du Hamas, mouvement islamiste palestinien en guerre contre Israël dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre, jour de son attaque sans précédent sur le sol israélien.

Les affrontements transfrontaliers entre Israël et le mouvement islamiste libanais, qui durent depuis près d'un an, ont connu une escalade après l'attaque spectaculaire aux bipeurs et talkies-walkies piégés qui a visé à la mi-septembre les membres du Hezbollah au Liban, faisant 39 morts près de 3.000 blessés.

Ces explosions, qui n'ont pas été revendiquées par Israël, ont «ramené les communications du Hezbollah à l'âge de pierre», a écrit dans une note Robert Satloff, de l'Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient.

Des analystes estiment que ces attaques reflètent les progrès considérables réalisés par l'unité militaire 8200, chargée du renseignement d'origine électromagnétique et de la cyberguerre, dans la pénétration des dispositifs de communication du Hezbollah.

Dans une déclaration prémonitoire en février, Nasrallah avait dit: «le téléphone portable que vous tenez dans votre main est un dispositif d'espionnage.» Cela avait encouragé le mouvement à utiliser des bipeurs.

Le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, porte-parole de l'armée israélienne, a déclaré vendredi à des journalistes que la collecte de renseignements qui a conduit à l'élimination de Nasrallah remontait à plusieurs années.

«Nous avons utilisé les renseignements que nous avions recueillis depuis des années, nous disposions d'informations en temps réel et nous avons effectué cette frappe», a-t-il déclaré.

«Les capacités d'Israël en ce qui concerne le Hezbollah montrent la profondeur de l'infiltration des renseignements dans les sphères du Hezbollah», relève Miri Eisen, colonel à la retraite et chercheuse à l'Institut international israélien de lutte contre le terrorisme de l'Université Reichman, à Herzliya (centre d'Israël), soulignant que l'attaque était le fruit d'un travail de longue haleine.

Pour James Dorsey, spécialiste du Moyen-Orient, il ne fait aucun doute que cette opération est un coup d'éclat «très sophistiqué» du renseignement.

«Elle démontre non seulement une capacité technologique importante, mais aussi la profondeur avec laquelle Israël a pénétré le Hezbollah», a-t-il dit.

La frappe

Selon des responsables israéliens, Nasrallah et d'autres dirigeants du Hezbollah se sont réunis vendredi au «siège» du mouvement dans son principal fief, dans la banlieue sud de Beyrouth.

Une vidéo de l'armée montre des chasseurs-bombardiers F-15 décollant de la base aérienne de Hatzerim (sud) vendredi pour mener à bien l'opération. Peu avant 18h30 (15h30 GMT), de puissantes explosions ont été entendues dans tout Beyrouth.

Selon le Wall Street Journal, Israël a passé des mois à planifier l'utilisation d'une «série d'explosions programmées» pour atteindre le bunker situé sous les immeubles d'habitations où se trouvait Nasrallah, «chaque explosion déclenchant la suivante».

La réunion du Hezbollah coïncidait avec l'Assemblée générale des Nations unies à New York, où se trouvait le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

Son bureau publiera plus tard une photo le montrant en train d'approuver la frappe, décision qui aurait été prise «dans son hôtel à New York», selon le quotidien Times of Israel.

Selon le New York Times, l'analyse d'une vidéo de l'armée indique que les avions impliqués dans l'attaque étaient «équipés d'au moins 15 bombes de 2.000 livres» (environ 900 kg) chacune.

De hauts responsables ont déclaré au journal que «plus de 80 bombes ont été larguées sur une durée de plusieurs minutes pour tuer» Nasrallah, le Wall Street Journal indiquant lui que le bunker avait été frappé avec «80 tonnes de bombes».

Les conséquences

Le ministère libanais de la Santé a donné un bilan provisoire de six morts et 91 blessés.

Aux yeux de l'analyste Heiko Wimmen, de l'International Crisis Group, les effets à long terme de l'élimination de Nasrallah sur les opérations du Hezbollah sont difficiles à prévoir.

Pour le moment, les principaux responsables israéliens se félicitent de ce succès tout en laissant planer la menace d'une opération au sol au Liban afin de repousser les miliciens du Hezbollah et leur arsenal de missiles le plus loin possible de la frontière israélo-libanaise.

Samedi, l'armée a diffusé une transcription citant le commandant de l'escadron qui a frappé Nasrallah: «Nous atteindrons tout le monde, partout».