Meurtres inexpliqués Un algorithme pour traquer un tueur en série

de Don Babwin, AP

12.11.2019

Une des victimes. Les meurtres, qui ont commencé en 2001 et duré plusieurs années, ne sont toujours pas élucidés.
Une des victimes. Les meurtres, qui ont commencé en 2001 et duré plusieurs années, ne sont toujours pas élucidés.
Uncredited/Courtesy of Riccardo Holyfield/dpa

Une série de meurtres brutaux commis contre des femmes noires à Chicago n’est toujours pas élucidée, même après plusieurs années. A l’aide d’une nouvelle méthode informatique, la police recherche désormais des similitudes entre les actes sanglants.

Pendant plusieurs années, un tueur en série a pu sévir à Chicago. Les enquêteurs reprennent désormais ces affaires, avec le soutien d’un groupe national à but non lucratif et de son algorithme informatique.

Les corps sont apparus dans les coins les plus sordides de Chicago: des ruelles miteuses, des bâtiments abandonnés, des terrains envahis par la végétation et des bennes à ordures. La plupart des victimes étaient des femmes noires mortes étranglées ou étouffées.

Selon les autorités, beaucoup d’entre elles étaient des prostituées ou des toxicomanes. Elles présentaient des signes d’agression sexuelle – certaines victimes étaient nues ou portaient des vêtements déchirés.

Les meurtres, qui ont commencé en 2001 et duré plusieurs années, ne sont toujours pas élucidés. Les enquêteurs reprennent désormais ces affaires et sont à la recherche de liens possibles avec le soutien d’un groupe à but non lucratif actif dans tout le pays et de son algorithme informatique. La reprise des enquêtes suscite de l’espoir parmi les proches en deuil, dont certains attendent des réponses depuis près de 20 ans.

Des similitudes entre 51 meurtres

«Je me dis que j’ai tourné la page», confie Marsean Shines, dont la tante Winifred a été retrouvée étranglée il y a près de 19 ans. «Mais au fond, je sais que ce n’est pas vrai.» Ses proches se sont toujours demandé si la mort de Winifred Shines était l’œuvre d’un tueur en série qui avait également tué d’autres femmes.

La reprise de l’enquête sur cette affaire est due au Murder Accountability Project, un projet à but non lucratif qui analyse les meurtres commis aux Etats-Unis. Les militants ont informatisé des données sur un millier d’affaires à Chicago. 51 meurtres commis contre des femmes ont présenté des similitudes frappantes. Cela met clairement en évidence l’existence d’un tueur en série, explique le fondateur du projet, Thomas Hargrove, qui a présenté ses conclusions à la police en 2017.

Son groupe a également prêté main forte aux enquêteurs à d’autres endroits. En 2010, il a découvert un modèle pour 15 meurtres non résolus commis contre des femmes dans l’Indiana. Quatre ans plus tard, un homme originaire de la ville de Gary a avoué sept de ces crimes. A Cleveland, les données du Murder Accountability Project ont permis d’examiner jusqu’à 60 meurtres perpétrés contre des femmes.

Une série de meurtres temporairement interrompue

La police de Chicago a repris les enquêtes sous la pression d’activistes. Six responsables examinent actuellement les anciens rapports et les anciennes preuves dans chaque affaire et recherchent des liens non aperçus jusqu’à présent ainsi que de nouveaux indices.

L’une des grandes questions est de savoir pourquoi la série de meurtres a été interrompue une première fois en février 2014, comme l’explique Thomas Hargrove. Celle qui était alors la dernière victime, Diamond Turner, avait été retrouvée dans une benne. En juin 2017, les meurtres ont repris avec l’assassinat de Catherine Saterfield-Buchanan.

Le Murder Accountability Project a appelé la police à rechercher un coupable qui n’a pas pu commettre de meurtre à Chicago au cours de ces trois années. «Nous pensons que cela pourrait expliquer cette interruption, estime Thomas Hargrove. Et maintenant, le ou les criminels sont de retour.»

Les enquêteurs visés par des allégations

En outre, les enquêtes font l’objet d’allégations selon lesquels personne ne se soucierait vraiment de ces victimes démunies qui vivaient souvent dans des quartiers sensibles en marge de la société. «Je suis préoccupé par le fait qu’il ait fallu attendre deux semaines pour retrouver ma cousine morte dans une benne à ordures», affirme Riccardo Holyfield, dont la cousine, Reo Renee Holyfield, a été tuée à l’automne dernier. «Comment un cadavre peut-il rester aussi longtemps dans une benne dans une ruelle très fréquentée?»

L’enquêteur en chef Brendan Deenihan conteste l’allégation selon laquelle la police serait moins impliquée dans les quartiers pauvres que dans les secteurs riches de la ville. «Ce n’est pas le cas», soutient-il.

Selon Brendan Deenihan, il ne s’agit probablement pas d’un seul tueur en série. Plusieurs criminels ont peut-être commis chacun plusieurs meurtres, explique-t-il. Le point commun entre les affaires ne réside peut-être pas dans le fait que les meurtres soient l’œuvre d’un même criminel, mais dans les similitudes entre les victimes, précise-t-il.

«Un mode de vie à haut risque»

«Nous parlons d’un mode de vie à haut risque», explique l’enquêteur. Les personnes qui se prostituent «peuvent monter à bord de 20 voitures différentes chaque nuit et partager de la drogue avec des personnes qu’elles ne connaissent pas vraiment».

Outre le Murder Accountability Project, les enquêteurs s’en remettent à un second canal pour espérer élucider les affaires: à l’instar d’autres autorités répressives, la police de Chicago intègre des relevés ADN dans une base de données nationale contenant des informations sur des criminels condamnés. Dans l’idéal, celle-ci ressort un nom.

La famille de Winifred Shines mise également sur cette opportunité. Son fils Bryant a récemment commencé une thérapie pour mieux faire face au traumatisme de la perte de sa mère. «Je ne peux pas vivre en paix parce qu’il est toujours à l’air libre», affirme-t-il en référence au tueur. «Et il pourrait s’agir de quelqu’un que nous connaissons.»

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