Dix millions détournés L'ancien collaborateur de la BCN retirait l'argent en cash

st, ats

5.7.2022 - 09:22

L'ancien collaborateur de la Banque cantonale de Neuchâtel (BCN), accusé notamment d'escroquerie, retirait lui-même en cash l'argent détourné, pour le reverser à un cercle d'investisseurs, selon le procureur Nicolas Aubert, interrogé mardi par Arcinfo. Il se versait ensuite des commissions.

L'accusé aurait profité du fait qu'il existe une marge de manoeuvre entre le moment où un client lui passe un ordre et où celui-ci est exécuté. (image d'illustration)
L'accusé aurait profité du fait qu'il existe une marge de manoeuvre entre le moment où un client lui passe un ordre et où celui-ci est exécuté. (image d'illustration)
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5.7.2022 - 09:22

Selon le procureur en charge du dossier, le montant détourné par le principal prévenu se monte à dix millions de francs. Le prévenu prétend lui en avoir touché un million. «Les investigations le préciseront», a noté Nicolas Aubert. Les neuf autres millions auraient été répartis entre une dizaine d'investisseurs proches du prévenu, de manière inégale.

Ce montant de dix millions a été calculé sur la base d'une expertise externe demandée par la partie plaignante, soit la BCN. Celle-ci a porté sur des milliers de transactions frauduleuses sur le marché des devises. «À l'aide de l'informatique, il a été possible de mesurer la différence entre les taux de change qui auraient dû être appliqués et ceux que le principal prévenu appliquait réellement», a expliqué Nicolas Aubert.

L'accusé aurait profité du fait qu'il existe une marge de manoeuvre entre le moment où un client lui passe un ordre et où celui-ci est exécuté. Si, durant ce laps de temps, le cours d’une monnaie a changé, il est possible de l’adapter pour qu’il corresponde à ce qui a été convenu.

«C'est ce genre de manipulations que le prévenu aurait utilisé au bénéfice de son cercle de clients et donc au détriment de la banque», explique le procureur. Les taux qu'il leur offrait dépassaient les marges minimales admissibles.

Retraits en cash

Etant habilité à le faire, l'accusé retirait lui-même en cash l'argent gagné par le biais de ces transactions frauduleuses, à coups de milliers, voire de dizaines de milliers de francs. Il donnait ensuite rendez-vous à ses clients, leur remettait cet argent et en retirait une commission.

«C'est ici que l'on parle de blanchiment, parce que le bénéfice de ces opérations disparait dans la nature. Ce système ne pouvait qu'être ignoré par la banque», souligne M. Aubert, qui affirme que rien ne démontre jusqu'ici que l'établissement était au courant de quoi que ce soit avant l'audit interne mené en 2021.

Au final, le prévenu est accusé d'escroquerie, d'abus de confiance, de gestion déloyale, de corruption passive et de blanchiment d'argent.

Selon le procureur, qui réfute toute influence politique dans ce dossier, beaucoup d'argent a été bloqué. Des biens matériels ont également été séquestrés. Ceux susceptibles de perdre de la valeur sont ou seront vendus rapidement. Lorsque les sommes disponibles ne sont pas suffisantes, d'autres biens peuvent être saisis, comme un immeuble.

Co-accusés

Les investisseurs proches de l'accusé sont prévenus de complicité d'escroquerie, d'abus de confiance, de corruption active et de blanchiment. Nicolas Aubert part du principe qu'ils devaient être au courant de la façon dont était investi et traité leur argent. «L'enquête déterminera leur degré d'implication».

Selon le procureur, ces investisseurs, pour la grande majorité des Neuchâtelois ou ayant un lien avec le canton, plutôt aisés, admettent tous avoir investi. La plupart d'entre eux reconnaissent aussi les rétrocessions.

Le prévenu collabore

Le prévenu, qui collabore à l'enquête, s'est engagé à rembourser «les montants qui seront définis», avait déclaré son avocat Laurent Moreillon. Une partie de la somme est disponible. «Le reste a été dépensé dans des biens matériels aujourd'hui mis en vente afin de rembourser ce qui est dû», avait ajouté le défenseur.

La BCN avait déposé le 8 mars une plainte pénale contre son ancien collaborateur, dont elle s'était séparée l'an passé. Les agissements irréguliers, s'étalant de 2013 à 2021, ont été découverts lors d'un audit interne.

L'établissement avait précisé que «quel que soit le préjudice, il a d’ores et déjà été intégré dans les résultats publiés par la banque dans le passé, et aucun impact n’est attendu sur les résultats 2022». Aucun client n'a été lésé.

st, ats