Écologie Interdire les sacs plastiques: une fausse bonne idée? 

Valérie Passello

26.8.2022

Face à la pollution générée par le plastique dans l'environnement, nombreux sont les pays du monde ayant banni les sacs et, plus largement, le plastique à usage unique. En Suisse, le pas n'est toujours pas franchi. Mais l'interdiction du plastique ou son remplacement par d'autres matériaux ne constituent peut-être pas des solutions adéquates. Enquête.

Dans un pays comme la Suisse, qui dispose de bonnes filières de traitement des déchets, les sacs plastiques ne posent pas véritablement problème, indique Swiss Recycling. (image d'illustration)
Dans un pays comme la Suisse, qui dispose de bonnes filières de traitement des déchets, les sacs plastiques ne posent pas véritablement problème, indique Swiss Recycling. (image d'illustration)
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Valérie Passello

Chaque année, 50'000 kilos de plastique finissent au fond du lac, indique l'Association pour la sauvegarde du Léman. Les Alpes, bien que moins accessibles, ne sont pas épargnées non plus. Des mesures effectuées à l'Observatoire Sonnenblick en Autriche, à 3106 mètres d'altitude, montrent qu'il y tombe environ 42 kilos de nanoplastiques par année et par kilomètre carré. 

Au niveau mondial, c'est un véritable fléau environnemental: chaque minute, environ 15 tonnes de déchets plastiques sont déversés dans les océans, alerte le WWF

Pour tenter d'endiguer le problème, une soixantaine de pays ont interdit la distribution de sacs en plastique. En Europe, différents produits en plastique à usage unique sont interdits depuis 2021 et en France, la distribution de sacs plastiques à la caisse des magasins est bannie depuis 2016 déjà.

Et la Suisse?

Dans notre pays, pas d'interdiction globale, mais différentes initiatives locales. Par exemple, Genève s'est attaquée au problème. Depuis le 1er janvier 2020, les produits en plastique à usage unique tels que les sachets, pailles, gobelets, assiettes ou couverts sont interdits pour les activités se déroulant sur le domaine public de la Ville. Dans les commerces, les cornets plastiques gratuits ont disparu.

Le Grand Conseil fribourgeois, de son côté, a largement accepté une motion visant à interdire la distribution de sacs plastiques sur le territoire cantonal. La mise en œuvre devrait être effective en 2023. D'autres exemples existent çà et là.

Interpellé à plusieurs reprises sur la question, le Conseil fédéral, s'il est sensible à la problématique, ne va pas dans le sens d'une interdiction. Notamment quant à la mise à disposition de sachets compostables aux rayons fruits et légumes des commerces, en lieu et place des sacs à usage unique, comme c'est désormais la pratique dans différents pays européens. Car, par leur processus de fabrication et leur élimination difficile, ces sacs «verts» ne présentent pas un écobilan favorable. 

Cela signifie-t-il pour autant que la Suisse est en retard? Réponse de Jasmine Voide, responsable Romandie et Projets économie circulaire chez Swiss Recycling: «Notre pays s’est longtemps concentré sur d’autres types de déchets car le plastique ne pose pas un vrai problème en Suisse. Suite à l’acceptation de la Motion Dobler, nous sommes en train de mettre en place un système de collecte des plastiques au niveau national».

Pour elle, toutefois, un cadre légal permettrait de faire avancer les pratiques: «L’objectif global doit être de réduire l’impact environnemental total du produit et non seulement de l’emballage», affirme Jasmine Voide.

L'exemple du concombre emballé

À l'instar de la Suède, par exemple, qui recycle 99% de ses ordures ménagères, la Suisse s'oriente donc plutôt dans cette direction. Jasmine Voide s'appuie sur le WWF, qui précise que plastique ne devient un problème qu’à partir du moment où il est jeté dans la nature: «Il s’agit bien sûr de la situation en Suisse, nous ne nous prononçons pas sur les autres pays qui ont souvent encore des décharges à ciel ouvert, comme la France par exemple», souligne-t-elle.

Ainsi, avec une bonne filière de récupération, de tri, de recyclage et/ou de valorisation, le plastique ne serait pas si problématique.

Et si certains restent choqués de voir des concombres emballés sur les étals, il convient de ne pas focaliser sur l'emballage lui-même, note le WWF: «Le contenu est clairement plus important que l’emballage, car les nuisances environnementales découlant de la production de plastique sont faibles, souvent même négligeables.»

Emballé, le concombre aura une durée de vie plus élevée et cela évitera le gaspillage alimentaire, autre fléau écologique. 

Des efforts de tous côtés

Souvent pointés du doigt, les grands distributeurs tentent aussi de trouver des solutions au problème du plastique. Chez Manor, indique la porte-parole Claire Freuenberger, on «cherche à diminuer, dans la mesure du possible, les emballages et notamment le plastique à usage unique».

Dans certains magasins du groupe, un projet pilote est en cours pour remplacer les sachets plastiques par des cornets en papier, notamment pour la pesée des fruits et légumes en vrac. Des décisions seront prises en fonction des résultats. 

Chez Coop, selon la responsable médias Melanie Grüter, l'effort de réduction des emballages dure depuis de nombreuses années: «Jusqu'ici, nous avons déjà supprimé ou optimisé plus de 36'500 tonnes de matériaux d'emballage. Coop propose ainsi diverses solutions sans emballage et réutilisables dans ses supermarchés et dans la restauration», indique-t-elle.

Ces différentes solutions vont encore être étendues à l'avenir et Coop s'est fixé d'autres objectifs dans une feuille de route des emballages:« Nous comptons réduire de 20 pour cent supplémentaires le volume de plastique utilisé pour les emballages des produits de marques propres et les articles jetables, d'ici à 2026», ajoute Melanie Grüter.

Le service de presse Aldi Suisse relève quant à lui: «Nous projetons de réduire la quantité d’emballage de 30 % pour nos produits de marques propres standard d’ici 2025 et constatons déjà 100 tonnes de matériel d’emballage en moins par an». L'enseigne n'a jamais eu de sacs en plastique à usage unique gratuits à ses caisses et a fait le choix de retirer également les sacs plastiques payants.

Comme les autres grands distributeurs, Aldi pèse le pour et le contre par rapport à l'emballage et à la conservation des aliments: «Nous nous efforçons d’éviter autant que possible les emballages superflus dont l’utilisation ne peut être justifiée par l’évitement du gaspillage alimentaire et la sécurité alimentaire. Ainsi, nous avons pu doubler le nombre de denrées alimentaires sans emballage au cours des cinq dernières années», précise encore le distributeur.

Dans le sens du recyclage

Enfin chez Migros, 6900 tonnes de matériel d'emballage ont été optimisées depuis 2013. Par ailleurs, le géant orange s'active en matière de récupération du plastique en vue de son recyclage: depuis le 4 juillet 2022, Migros Zurich collecte du plastique dans cinq succursales sélectionnées de la ville.

En fonction des résultats de ce projet pilote, la collecte pourra ensuite être étendue. «Migros est le premier partenaire de mise en œuvre de la ville de Zurich pour la collecte du plastique et donne ainsi un nouvel exemple d'utilisation durable des ressources», indique le groupe sur son site internet.

Les autres grands distributeurs interrogés s'y mettent également, chacun à sa manière, proposant différents modes de récupération des plastiques. 

Par ailleurs, Swiss Recycling collabore activement avec la grande distribution pour limiter et/ou recycler les plastiques dans le cadre d'une plateforme «économie circulaire», relève encore Jasmine Voide.