Genève espère avoir autant de succès avec le Léman Express que Lausanne avec le métro M2. Si ces projets ne sont guère comparables, ils ont en commun d'améliorer la fréquentation et la desserte d'une région, mais aussi l'image des transports publics.
Tunnel urbain de 5,9 km et 14 stations pour l'un, réseau transfrontalier de 230 km et 45 gares pour l'autre, «M2 et Léman Express ont tous deux mis du temps à devenir réalité», raconte Christophe Jemelin, responsable de l'unité Développement de l'offre et membre de la direction des Transports publics de la région lausannoise (tl).
A Lausanne, les oppositions de principe ont été assez fortes: «La ville est trop petite, elle n'a pas les moyens», disait-on en une période de vaches maigres. Le canton de Genève a lui fait face à d'innombrables oppositions, la procédure politique a été interminable.
La voie du succès
Au final, Lausanne a vécu une «transformation d'une ampleur incroyable» depuis octobre 2008. Les prévisions, qui estimaient à 25 millions à terme le nombre de voyageurs annuels du M2, ont explosé. En 2018, ils étaient près de 32 millions à l'emprunter.
Victime de son succès, le M2 voit ses infrastructures régulièrement adaptées. La cadence devrait encore être améliorée à la fin de l'année pour atteindre 2,10 minutes aux heures de pointe du matin, rappelle le spécialiste en mobilité.
Le réseau des tl continue de croître avec le projet de M3 à l'horizon 2027, les bus à haut niveau de service, le tram pour Renens, le tunnel du LEB, souligne M. Jemelin. Selon lui, le Léman Express va avoir un «succès dont on n'a pas idée».
Colonne vertébrale
Vincent Kaufmann, directeur du laboratoire de sociologie urbaine de l'EPFL, voit également des points communs entre les projets. Tous deux jouent – évidemment pas à la même échelle – le rôle de colonne vertébrale de leur réseau.
En outre, le M2 a provoqué un saut qualitatif très fort dans la perception que les habitants de la région lausannoise ont des transports en commun. Non seulement chez les voisins du métro mais plus généralement auprès des gens habitant sur le réseau des tl.
Selon les comptages de Lausanne Région, le nombre de personnes empruntant les tl a augmenté de 60% entre 2005 et 2014. Il est passé de 66 millions à 105 millions, dont 27 pour le M2.
Genève, qui développe depuis une vingtaine d'années un réseau de tram, n'a pas eu ce saut qualitatif, constate le professeur. S'il est très capacitaire, le réseau n'est pas efficace, notamment en raison du manque de sites propres.
Infrastructure généreuse
Le Léman Express va, lui, permettre ce saut qualitatif. «C'est la première fois dans la région lémanique que l'on construit une infrastructure de transport qui a cette générosité. Jusqu'ici, on a toujours pensé et fait petit, cela reste étriqué». Et de citer le M1 construit à voie unique ou encore le M2 et son tronçon à voie unique sous la gare.
«On a eu de la peine à admettre pendant longtemps qu'on était dans une agglomération urbaine multipolaire de plus d'un million d'habitants», analyse le professeur. «Avec le Léman Express, on change d'échelle. Le service sera celui d'une métropole».
Le début de quelque chose
«On sent l'attente, en France, dans l'arrière-pays notamment», relève Vincent Kaufmann. Contrairement à ce qui se dit, nombre de Français souffrent d'être au volant et seront ravis de s'asseoir dans un train.
Comme à Lausanne, «c'est probablement le début de quelque chose. D'ores et déjà, des revendications se font entendre. On reparle de la ligne du Tonkin; la ville de Nantua, la commune de Seyssel lorgnent un prolongement du train. Cela ne va pas rester figé longtemps», juge le sociologue.
Fortes capacités
Le canton de Genève a déjà anticipé l'engouement pour son futur RER. Quelque 50'000 passagers par jour sont attendus à son lancement, mais, contrairement au M2, il existe de nombreuses possibilités d'augmenter la capacité du réseau, indique Thomas Piffaretti, chargé de communication au Département des infrastructures.
Vincent Kaufmann fait lui un dernier parallèle entre les deux projets. Les autorités, chefs de service et TPG ne ménagent pas leurs efforts pour expliquer le projet aux Genevois. «Ce souffle, cet enthousiasme communicatif, on l'avait déjà senti avec le M2».
Retour à la page d'accueil