Portrait L'affaire Carlos Goshn: quand l'avidité conduit à la chute?

nf / ats

23.11.2018

Il risque de devoir mettre fin à sa carrière précipitamment: le célèbre PDG Carlos Ghosn a été arrêté au Japon. Il aurait dissimulé ses revenus et utilisé des fonds de la société à titre privé.
Il risque de devoir mettre fin à sa carrière précipitamment: le célèbre PDG Carlos Ghosn a été arrêté au Japon. Il aurait dissimulé ses revenus et utilisé des fonds de la société à titre privé.
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C'est une superstar au Japon. Cependant, lundi, Carlos Ghosn, le très respecté PDG de l'alliance Renault, Nissan et Mitsubishi, a été arrêté – il aurait notamment détourné des fonds de la société. Mais qui est cet homme?

Le ministère public japonais mène une enquête contre le PDG Carlos Ghosn, président du conseil d'administration de Nissan et directeur général de Renault en France. L'homme de 64 ans aurait notamment déclaré des revenus trop faibles pendant plusieurs années afin d'échapper aux impôts. En outre, il aurait utilisé des fonds de la société à des fins privées. D'après les médias, Carlos Ghosn aurait sous-évalué sa rémunération de cinq milliards de yens (environ 44 millions de francs suisses) pendant cinq ans, une pratique qu'il aurait mise en place à partir de 2011. Il est en garde à vue depuis lundi. 

Le conseil d'administration de Nissan a voté jeudi soir à l'unanimité la révocation de Carlos Ghosn de son poste de président, a annoncé le géant japonais de l'automobile.

Qui est cet homme, considéré comme un des managers automobiles les plus charismatiques de la planète?

Enfant d'immigrés libanais, Carlos Ghosn est né à Porto Velho, au Brésil. Son père travaillait pour une compagnie aérienne et voyageait beaucoup, un exemple que Carlos Ghosn a également suivi au cours de sa carrière: en un an, il pouvait parcourir jusqu'à 100'000 kilomètres en avion.

Alors que Carlos avait six ans, sa mère et lui sont retournés vivre au Liban. Carlos Ghosn était un élève très appliqué et a appris à parler quatre langues couramment, dont le japonais. Au Liban, il a fréquenté de prestigieuses écoles de l'ordre catholique des Jésuites, multipliant les excellents résultats, et a rapidement intégré l'École des Ingénieurs de la Ville de Paris.

«Je me suis toujours senti différent»

Par la suite, Carlos Ghosn a déclaré devoir sa facilité à jongler entre différentes cultures à «sa vie de nomade». «Je me suis toujours senti différent», a-t-il un jour confié à «Detroit News». «Quand on est différent, on essaie de s'intégrer et ça nous oblige à comprendre son environnement et à développer ses facultés d'écoute, d'observation et de comparaison. Des qualités qui sont très utiles dans l'administration.»

Le président français Emmanuel Macron (à droite) semble sur la défensive. Cette photo a été prise le 3 octobre 2018, durant le Mondial de l'Automobile de Paris.
Le président français Emmanuel Macron (à droite) semble sur la défensive. Cette photo a été prise le 3 octobre 2018, durant le Mondial de l'Automobile de Paris.
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La carrière de Carlos Ghosn a démarré timidement. Il a commencé en tant que stagiaire auprès du fabricant français de pneus Michelin, avant de diriger un atelier Michelin dans la ville française du Puy-en-Velay. Rapidement promu, il a occupé le poste de directeur de recherche pour le développement de pneus industriels jusqu'au milieu des années 80. Michelin l'a ensuite chargé de retourner au Brésil pour y diriger les activités problématiques de l'entreprise en tant que chef d'exploitation. Il est ainsi devenu le responsable d'un site de production continental à un peu plus de 30 ans.

Il a réuni les bonnes personnes

Alors que le Brésil souffrait d'une importante inflation, Carlos Ghosn a réussi à transformer la structure organisationnelle de la succursale sud-américaine du fabricant français de pneus pour que Michelin devienne également une marque sur place. Il a intégré des personnes aux profils très différents et issues de divers secteurs de l'entreprise. Des ingénieurs français ont ainsi collaboré avec des directeurs des achats brésiliens pour planifier le développement d'un nouveau produit. Il n'a ensuite fallu que deux ans à la division sud-américaine de Michelin pour réaliser des bénéfices.

Carlos Ghosn est devenu président et PDG de Michelin en 1998. Il a épousé Rita et ils ont eu quatre enfants ensemble. Aux États-Unis, Carlos Ghosn a opéré une fusion avec le fabricant américain de pneus Uniroyal Goodrich, ce qui lui a permis de doubler la taille de sa division. Il a ensuite négocié avec des travailleurs syndiqués d'Uniroyal Goodrich, non en recourant à la confrontation, mais en persuadant les représentants syndicaux que la mise en place de règles de travail flexibles servait au mieux les intérêts des salariés du groupe. Néanmoins, une frontière invisible empêchait l'ascension de Carlos Ghosn chez Michelin. L'entreprise reposait sur une gestion familiale et François Michelin, son directeur de longue date, avait déjà désigné son fils Édouard comme son futur successeur.

Carlos Ghosn avec son épouse Rita lors d'un repas de gala donné par l'ancien président français Nicolas Sarkozy.
Carlos Ghosn avec son épouse Rita lors d'un repas de gala donné par l'ancien président français Nicolas Sarkozy.
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En 1996, Carlos Ghosn s'est donc laissé débaucher par Louis Schweitzer, le président de Renault à l'époque, et a été sacré héritier du trône neuf ans plus tard. Carlos Ghosn n'était pas un économiste impitoyable, mais a dirigé la société d'une main de fer, développé de nouvelles activités et contribué à l'augmentation du chiffre d'affaires. Il s'est rapidement imposé comme un «Cost Killer», d'abord chez Renault, puis chez Nissan au Japon, où, malgré ses méthodes radicales, il a réussi à sauver l'entreprise d'une faillite imminente – et enfin chez Mitsubishi.

Une superstar au Japon

Carlos Ghosn jouissait d'une grande popularité au Japon. Il était l'homme le plus courtisé du pays, comme l'a révélé un sondage réalisé auprès de femmes japonaises, et a fait l'objet d'une bande dessinée avec lui dans le rôle du héros. Dans sa deuxième patrie, le Liban, Carlos Ghosn était même vu comme un possible candidat à la présidence.

Il était également connu pour ses cachotteries et pour sa peur des attaques sur sa personne. Il aurait un jour reçu des menaces de mort et disait être la victime d'un complot orchestré par trois de ses collaborateurs qu'il soupçonnait, sur la base de lettres anonymes, d'avoir transmis des secrets de la firme à la concurrence chinoise. Les lettres se sont finalement révélées être des faux.

Carlos Ghosn avait des exigences financières élevées. En 2016, il n'avait pas hésité à se plaindre de son salaire de sept millions d'euros. Il voulait plus, bien plus. Un conflit avait alors éclaté autour du salaire du PDG.

Si cette année-là, la France, sur l'insistance d'Emmanuel Macron, avait accordé à Carlos Ghosn quatre années supplémentaires à la tête de Renault, ce n'est que parce que ce dernier avait consenti à une réduction salariale de 30 pour cent. Carlos Ghosn avait certes donné son accord, mais grâce à ses multiples options sur actions, il avait pu empocher beaucoup plus que prévu.

On ne sait toujours pas ce qui l'aurait poussé à arnaquer le fisc japonais et à détourner des fonds de la société à des fins personnelles. Un tribunal de district de Tokyo a décidé de retenir Carlos Ghosn pour dix jours supplémentaires, dans un premier temps. Entre-temps, Renault a nommé Thierry Bolloré au poste de directeur général délégué de l'entreprise.

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