Climat Les géants pétrolières se proposent de rendre des comptes

afp

15.5.2022 - 11:05

Pression des investisseurs, impatience des ONG et polémique juridique: les géants pétroliers européens sont attendus au tournant sur leur stratégie climatique, à l'occasion de leurs assemblées générales d'actionnaires de mai.

Cette année, cinq majors pétrolières européennes ont décidé de soumettre spontanément leur politique climatique au vote consultatif de leur assemblée générale.
Cette année, cinq majors pétrolières européennes ont décidé de soumettre spontanément leur politique climatique au vote consultatif de leur assemblée générale.
KEYSTONE/AP/Jae C. Hong

15.5.2022 - 11:05

Cette année, cinq majors pétrolières européennes – Totalenergies (assemblée le 25 mai), l'anglo-néerlandaise Shell (24 mai), l'espagnole Repsol (6 mai), la britannique BP (12 mai) et la norvégienne Equinor (11 mai) – ont décidé de soumettre spontanément leur politique climatique au vote consultatif de leur assemblée générale.

«Ce sera forcément tendu», anticipe Loïc Dessaint, responsable des questions de gouvernance chez Proxinvest. Pour l'heure, cette agence de conseil de vote n'a émis aucune recommandation positive sur ces consultations.

Certains investisseurs et ONG estiment que les efforts restent insuffisants et trop lents dans un contexte d'aggravation des impacts du dérèglement climatique et d'une situation énergétique mise à mal par la guerre en Ukraine.

Leur demande clé concerne les émissions indirectes dites de «scope 3», en d'autres termes les objectifs qui couvrent l'usage final des combustibles fossiles produits par les sociétés pétrolières, car c'est là où se cache la très grande majorité des émissions de ces entreprises.

Ils voient dans les assemblées générales une opportunité de fédérer une contestation beaucoup plus large qu'en 2021.

Pour Reclaim Finance, qui évalue les impacts des acteurs financiers sur le climat, l'enjeu de cette saison des AG consiste à «mettre l'arrêt de l'expansion pétrolière et gazière au coeur des débats» alors que le budget consacré encore à l'exploration est une question qui taraude beaucoup les investisseurs obnubilés par le danger des actifs échoués, autrement dit des investissements à perte.

Les plans climat présentés par l'industrie pétrolière sont «incomplets» pour pouvoir s'aligner sur un objectif de réchauffement climatique limité à +1,5°C par rapport à la période pré-industrielle, indique à l'AFP Guillaume Pottier, chargé de campagne chez Reclaim Finance.

«On espère que leur taux d'approbation vont baisser, voire qu'on obtienne certains plans rejetés par une majorité d'actionnaires» pendant les AG, ajoute-t-il.

Même constat au sein de la coalition d'investisseurs Climate Action 100+ ou encore chez le collectif de 8500 actionnaires Follow This, à l'origine d'une résolution climatique déposée à la fois chez Shell, BP et Equinor pour réclamer des objectifs cohérents avec l'Accord de Paris, ainsi que des baisses ciblées des émissions de gaz à effet de serre à court, moyen et long terme.

Ces compagnies pétrolières appellent à voter contre cette résolution externe mais Follow This se dit «confiante d'obtenir de meilleurs résultats que les 30% de vote favorable chez Shell et les 21% chez BP obtenus l'an dernier». En amont de leurs AG à Londres, où ces deux géants sont cotés, les appels à une taxe spéciale sur les majors se font plus insistants.

Pataquès chez Totalenergies

De son côté, Totalenergies suscitait quelques frustrations à quelques jours de son AG après avoir décidé unilatéralement d'écarter une résolution qu'un groupe de 11 investisseurs voulait soumettre au vote.

Félicité pour son engagement à soumettre annuellement sa stratégie climat au vote consultatif de l'assemblée générale et ses efforts de dialogue avec les investisseurs, Totalenergies a refusé de l'inscrire à l'ordre du jour de son AG, au motif que cette proposition «reviendrait en réalité à encadrer la stratégie» du groupe, compétence légale accordée au conseil d'administration.

«Une partie de la contestation viendra probablement d'actionnaires un peu échaudés» par ce «coup de force» au moment du vote du plan climat du groupe, anticipe M. Dessaint.

Les co-déposants du texte ont interpellé l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour lui demander de rétablir la résolution à l'ordre du jour de l'assemblée de Totalenergies, sans que le résultat de cette démarche ne soit connu à ce stade. Le Forum pour l'Investissement Responsable (FIR) a encouragé l'AMF à publier son avis sur cette affaire.

Côté investisseurs, le néerlandais MN Services, chef de file de la résolution a déjà signalé aux 700 membres de Climate Action 100+ son opposition au plan climat de Totalenergies. 13 ONG, dont Reclaim Finance, ont appelé lundi dans une lettre publique, les actionnaires du groupe à voter contre, ainsi qu'à sanctionner sa stratégie d'expansion dans les hydrocarbures en s'opposant au renouvellement du mandat de trois administrateurs.

Sarasin & Partners a préconisé lui de voter contre le plan d'Equinor.

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