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Pourquoi de tels changements? Quand les artistes se métamorphosent
Caroline Bock et Werner Herpell, dpa
1.4.2019
Mieux vaut y regarder à deux fois: Conchita Wurst a désormais complètement changé. Les musiciens aiment se réinventer. Il existe des exemples célèbres dans l’histoire de la pop. Qu’y a-t-il derrière de tels changements d’image?
Dans la peau de Conchita Wurst, une drag queen barbue, Tom Neuwirth a fait sensation en remportant le concours Eurovision de la chanson avec «Rise Like A Phoenix». Difficile de capitaliser sur ce succès de 2014. Beaucoup attendaient donc depuis un certain temps de voir Tom Neuwirth quitter son personnage fictif. Désormais, il joue délibérément avec cette image et se transforme – comme on a pu le voir au Bal de l’Opéra de Vienne, où il est apparu chauve. Pour son nouveau projet musical, il s’est enveloppé de latex noir.
Aujourd’hui, l’Autrichien se décline en deux rôles – parfois féminin, d’autres fois masculin, sous les traits de la diva Conchita ou du garçon en latex Wurst – et est présenté par la maison de disque Sony comme un «nouveau venu dans l’électro». «Quand la recherche d’identité se transforme en gadget marketing», a écrit le journal autrichien «Der Standard» à ce sujet. Dans le clip du single «Hit Me», Tom Neuwirth est quasiment méconnaissable: sa barbe et cheveux arborent un blond argenté et son corps est musclé.
David Bowie, véritable caméléon
Si l’on quitte le monde germanophone, où un changement d’image comporte souvent le risque d’irriter une base de fans élargie, les stratégies de carrière s’avèrent plus sophistiquées. La star mondiale David Bowie (1947-2016), qu’on appelait le «caméléon de la pop», maîtrisait autrefois le jeu des transformations à la perfection, que ce soit d’un point de vue purement physique avec des looks divers allant du chanteur de folk au glam rockeur androgyne, en passant par la folle et l’homme (hétéro) mûr, ou avec une musique constamment renouvelée.
Ce n’est pas pour rien si l’une des chansons les plus célèbres de David Bowie s’intitule «Changes». Chez le Britannique, cette image n’était pas l’œuvre d’un manager rusé, mais le fruit de sa propre créativité. «Son estime de soi était beaucoup trop prononcée pour qu’il établisse une cause ou un look», a estimé le célèbre journaliste musical Paolo Hewitt. «Et ce fut justement la clé de l’une de ses plus grandes contributions au cirque de la pop: l’introduction du changement physique perpétuel en tant qu’élément artistique essentiel.»
Avec David Bowie comme modèle à l’esprit, Madonna a également connu de nombreux changements d’image au cours de sa carrière de près de 40 ans – d’abord «Material Girl», elle a ensuite adopté un look à la Marilyn Monroe, posé pour le livre de photos «SEX», endossé les rôles de reine du disco et d’icône gay, incarné «Evita», enchaîné les performances d’aérobic et joué les filles de la campagne. En matière de musique, la chanteuse qui a fêté ses 60 ans l’année dernière a également fait preuve de souplesse – c’est notamment cette ouverture stylistique qui a fait entrer Madonna dans l’Olympe de la pop. Sans ce modèle américain de confiance en soi, la carrière pas si différente de l’Australienne Kylie Minogue aurait à peine été imaginable.
Qu’il s’agisse de Conchita Wurst, de David Bowie ou de Madonna, de tels changements constituent un élément important de la culture pop, affirme le professeur Udo Dahmen, directeur de la Popakademie Baden-Württemberg à Mannheim, dans un entretien accordé à la Deutsche Presse-Agentur. David Bowie est selon lui l’exemple parfait. «Il a toujours inauguré de nouvelles phases par ce biais.» Le jeu des genres est également caractéristique selon lui – comme aujourd’hui avec Tom Neuwirth. Udo Dahmen se réfère aussi à Mick Jagger, qui avait dans sa jeunesse une apparence plus douce et androgyne.
De «fille comme les autres» à bombe sexuelle
D’après Udo Dahmen, le choix des musiciens de changer d’apparence et de se réinventer constamment n’est pas à relier avec des ventes de disques en baisse. Mais qui se cache derrière ces transformations? Les nombreux visages de Lady Gaga cachent peut-être une équipe qui s’est mêlée à ses apparitions encore plus éblouissantes autrefois – comme par exemple la robe en viande, qui était une véritable œuvre d’art. En substance, c’est toutefois l’artiste qui donne l’impulsion, affirme le professeur de pop.
Assez corrosifs, les auteurs du «Lexikon der Pop- & Rock-Musik» ne se fient cependant pas à la magie d’un changement d’image extrême: «Exemple classique d’une idiotie déconnectée de la réalité, Madonna a probablement traversé toutes les tendances imaginables, parfois complètement contradictoires. Suite à cela, le fan est amené à s’identifier avec tous les attributs dont elle se pare, mais surtout à acheter.»
Les soupçons selon lesquels cette flexibilité physique ou stylistique s’adresse principalement aux nouvelles couches d’auditeurs et d’acheteurs sont également exprimés volontiers dans la pop actuelle. Pour beaucoup, la transformation de la «fille comme les autres» en bombe sexuelle parée de cuir de Britney Spears était un calcul lié à une baisse de popularité. La métamorphose de la sage «Hannah Montana» incarnée par Miley Cyrus en fille nue sur une boule de démolition a tout autant irrité. On peut également citer la mutation de Justin Bieber, le blondinet des posters qui s’est mué en voyou tatoué.
Pour une carrière de caméléon réussie comme celles de David Bowie et Madonna, de telles manœuvres à court terme ne suffisent probablement pas. Britney Spears (37 ans), Miley Cyrus (26 ans), Justin Bieber (25 ans) ou encore Tom Neuwirth/Conchita Wurst (30 ans) ont toutefois suffisamment de temps pour se réinventer un certain nombre de fois.
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