Aide à mourir Tempête sous un crâne pour les députés français

AFP

17.5.2024

Le projet de loi sur la fin de vie pose à chaque parlementaire des questions existentielles, au sens propre. Exemple avec deux députés qui ont chacun cheminé sur le sujet, à contre-courant de leur groupe.

Le projet de loi sur la fin de vie pose à chaque parlementaire des questions existentielles (image d’illustration).
Le projet de loi sur la fin de vie pose à chaque parlementaire des questions existentielles (image d’illustration).
ats

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17.5.2024

Frédérique Meunier (LR), bousculée par les témoignages

«Le projet de loi est bien réfléchi, il ne va presque pas assez loin», déclare aujourd'hui la députée LR de 63 ans élue en Corrèze. Une position qu'elle n'a pas toujours tenue.

Sa réflexion a évolué au cours des auditions d'un groupe de travail sur la fin de vie constitué en 2022. Les médecins, psychologues, religieux ou encore philosophes se sont succédé, bousculant lentement ses idées préconçues.

Elle se souvient du point de rupture: le témoignage de deux médecins favorables à l’aide à mourir. «Je me suis dit que si même eux, qui ont prêté le serment d'Hippocrate, ont pu écouter leurs patients et les familles, c'est que le corps médical n'a pas toujours raison».

Des doutes étayés par les douloureux témoignages de familles confrontées à la sédation profonde et continue de leurs proches. «Je ne savais pas que ça se passait comme ça», raconte-t-elle, émue par la «lente agonie» qu'elle découvre.

Elle martèle désormais que le choix des patients doit primer. Une question de dignité et de respect de l'individu, selon elle.

La députée souhaite même pousser plus loin le projet de loi actuel, en l'élargissant à la prise en compte des souffrances psychologiques. Sans oublier de renforcer l’accès aux soins palliatifs, revendication soutenue par le groupe Les Républicains dont elle fait partie.

La famille LR est généralement opposée à l'aide à mourir. Dans une tribune parue dans Le Figaro en 2021, plusieurs députés LR qualifiaient l'"euthanasie" de «ligne rouge».

Dominique Potier (PS), conforté par les rapports

Dominique Potier, au contraire, n'a pas dévié dans son opposition au texte. «L’aide à mourir, je ne vois pas ça comme un progrès mais comme une régression», affirme l'élu socialiste de Meurthe-et-Moselle, âgé de 60 ans.

A la source de ses convictions: la lecture de différents rapports et des «considérations philosophiques de gauche». Les témoignages ? Il estime qu'ils vont «dans les deux sens», et ne veut pas se «laisser dominer» par l'émotion.

Il concède avoir hésité sur la question de la sédation profonde. «On doute tout le temps», raconte-t-il, «mais à la fin, après avoir beaucoup réfléchi, on est obligé de se prononcer».

Pour lui, l’argument de la liberté individuelle ne tient pas : «il s'agit d’une décision qui emporte toute la société». Il voit l'interdit de donner la mort comme une conquête à défendre.

Le député estime que la question de l'aide à mourir est «a minima indécente» tant que l'égalité d'accès aux soins palliatifs n'est pas garantie. «On observe dans d’autres pays un glissement: les personnes les plus défavorisées, par leur statut social ou leur solitude, sont les plus exposées de fait».

Son parti, le PS, est largement favorable à l'aide à mourir, tout comme  la France Insoumise et les Ecologistes. Plusieurs propositions de loi en ce sens ont été déposées par la gauche ces dernières années, sans succès.

L'examen du projet de loi a commencé lundi en commission spéciale, avant d'être débattu dans l'hémicycle à partir du 27 mai.