Identité régionale «Grand Chasseral» efface peu à peu le Jura bernois de la carte

olpe, ats

9.5.2024 - 10:12

L'appellation «Jura bernois» pourrait à terme passer aux oubliettes. Les promoteurs de la marque Grand Chasseral notent aujourd'hui avec satisfaction que l'usage de ce nouveau terme se répand plus vite que prévu et est en passe de s'institutionnaliser voire de se substituer au nom historique.

Le bâtiment de La Couronne, le centre de promotion du Grand Chasseral, à Sonceboz.
Le bâtiment de La Couronne, le centre de promotion du Grand Chasseral, à Sonceboz.
KEYSTONE

9.5.2024 - 10:12

«Après 17 mois, les résultats dépassent notre planification. Car en général, l’implantation d’une nouvelle appellation nécessite de longues années, selon les spécialistes que nous avons consultés», déclare à Keystone-ATS le président de la Fondation Grand Chasseral Patrick Linder, un des principaux initiateurs – dans un collectif d’une dizaine d’institutions ayant impliqué 300 personnes – du concept de Grand Chasseral.

Lancée fin 2022, cette dénomination a pour but de transformer l'image souvent négative qui colle au Jura bernois, région de 50'000 habitants marquée par des décennies de luttes parfois mesquines en lien avec la Question jurassienne.

Principale localité de la région, Moutier s'apprête à la quitter pour rejoindre le canton du Jura. Une bonne raison pour tout remettre à plat et prendre un nouveau départ.

Effet domino

La notion de Grand Chasseral – du nom de ce sommet emblématique qui culmine à 1606 m et offre une vue imprenable sur les Alpes et les Trois-Lacs – suscite une large adhésion, au-delà des clivages politiques qui ont tant divisé la région. Des partis politiques comme les Vert-e-s, le PS et, sous peu sans doute, le PLR se sont rebaptisés ou s'apprêtent à le faire pour accoler à leur nom officiel non plus Jura bernois mais Grand Chasseral. Seule l'UDC reste attachée à l'ancien terme, mais plus par goût de la tradition que par réelle opposition.

Surtout, toutes les communes, à l'exception de Moutier et Belprahon, se sont associées à l'élan et arborent officiellement le logo du Grand Chasseral. «Pas moins de 200 entités ont déjà adopté cette marque d’attractivité, des grandes entreprises industrielles aux milieux sportifs et culturels en passant par les produits du terroir et le tourisme. Plusieurs entreprises et institutions ont même déjà changé leur raison sociale» souligne Patrick Linder.

Certains envisagent d'aller plus loin. Le député au Grand Conseil Hervé Gullotti (PS) réfléchit à faire remplacer le terme de Jura bernois par celui de Grand Chasseral dans les textes législatifs et la législation du canton de Berne. «Pour l'instant, nous ne voulons pas brusquer les choses. Mais une fois le départ de Moutier entériné (en 2026), et si toute la députation francophone est d'accord de porter le projet, j'envisage de déposer une motion en ce sens au parlement bernois», révèle-t-il à Keystone-ATS.

«Investissements nécessaires»

Même si Grand Chasseral se répand comme une traînée de poudre dans les instances établies et parmi les notables, la population ne l'utilise pas (encore?) au quotidien. Les gens se définissent toujours comme Jurassiens bernois, ou Jurassiens, voire du Jura Sud.

«Si vous allez à Genève ou Zurich et que vous parlez de Grand Chasseral, cela ne dira pas grand chose à grand monde. Mais le Jura bernois, on parvient généralement à le situer», observe Jean-Pierre Graber, ancien conseiller national (UDC) de la région.

Malgré tout, ce militant antiséparatiste de longue date salue «la trouvaille positive et très constructive» de Grand Chasseral. Avec un bémol: «Pour que ça débouche sur un développement avéré et une réelle visibilité, il faudra investir quelques millions de francs», estime-t-il.

Il est impératif d'après Jean-Pierre Graber que le sommet du Chasseral soit accessible en télécabine, pour attirer plus de visiteurs, et que l'A16 soit réaménagée afin que le tronçon qui relie les faubourgs de Bienne au Jura bernois mérite bien le nom d'autoroute sur toute sa longueur.

Nouveau narratif

En attendant, le train Grand Chasseral est lancé, à la vitesse d'un TGV. Patrick Linder assume pleinement la démarche volontariste de la Fondation: «Nous voulons corédiger un nouveau narratif», dit-il. Il s’agit à ses yeux de mieux faire ressortir les atouts de la région, soit sa qualité de vie, sa culture plurielle et son ouverture historique sur le monde induite par son importante industrie de la précision en lien avec l’horlogerie (un emploi sur deux).

Le nouveau nom ne signifie pas reniement du passé: la Fondation Grand Chasseral a publié un document qui retrace en détail sa conception et l'ancrage historique.

Gare cependant à la force de l'inertie: pour l'heure, quand on demande à des outils d'intelligence artificielle de dire ce qu'évoque le Grand Chasseral, on obtient comme réponse: «une région du Jura bernois»!

olpe, ats